Bilan de la mise en service de SEIS

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Bilan de la phase de mise en service du sismomètre SEIS sur Mars

La période de mise en service du sismomètre SEIS, qui a débuté après la dépose du bouclier de protection éolien et thermique (WTS) le samedi 2 février 2019, prendra fin le 5 avril 2019. Durant cette période, plusieurs opérations cruciales ont été effectuées avec succès au niveau des capteurs sismiques, notamment les pendules VBB.

Stabilité thermique : le WTS est un havre de paix

L'instrument SEIS au cours du sol 66, vu par la caméra ICC (© NASA/JPL-Caltech).Suite à la dépose du WTS au cours du sol 66, la phase de mise en service du sismomètre SEIS a débuté avec la caractérisation de la stabilité thermique sous cloche (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech).Suite au déploiement du bouclier WTS au-dessus de SEIS au cours du sol 66, les ingénieurs se sont immédiatement intéressés aux améliorations thermiques apportées par ce dernier. Pour caractériser l'ampleur de la stabilisation thermique offerte par cette cave sismique portable, la décision a été prise d'éteindre temporairement les réchauffeurs qui protègent habituellement le sismomètre durant les heures les plus froides d'un jour martien. Les modélisations indiquaient effectivement que sous la protection du WTS, les variations de la température étaient désormais suffisamment atténuées pour pouvoir désactiver pendant quelques jours les réchauffeurs, sans faire courir de risques à l'instrument. Les analyses effectuées par les ingénieurs thermiciens ont ensuite prouvé que la cloche protectrice du WTS remplissait parfaitement son rôle.

Grâce au supplément de protection thermique procuré par le bouclier WTS (qui est venu compléter un ensemble de barrières déjà présentes, comme l'enceinte sphérique sous vide hébergeant les pendules VBB, la protection thermique RWEB ou encore le dispositif TCDM situés au niveau des pendules), les six capteurs de l'instrument SEIS ont pu être allumés pour la première fois en continu sur Mars au cours du sol 70, sans aucune interruption.

Entrée en action des TCDM : l'ultime protection thermique des pendules VBB

Les pendules VBB de SEIS sont équipés d'un mécanisme spécifiquement conçu pour Mars (et absent des sismomètres terrestres), dont le rôle est d'amortir au maximum les variations de température résiduelles touchant l'enceinte de confinement sous vide dans laquelle ils sont installés. Baptisé TCDM, cet ingénieux dispositif permet de modifier passivement le centre de gravité des pendules selon les variations de température. Son principe de fonctionnement repose sur la dilatation différentielle de deux éléments métalliques, qui, selon les excursions de température dans la sphère, se déplient ou se rétractent un peu à la façon d'un accordéon. Pour neutraliser du mieux possible les changements de température, l'orientation des TCDM doit cependant être finement ajustée.

Mécanisme de compensation thermique TCDM des pendules VBB (© IPGP/David Ducros).Mécanisme de compensation thermique (TCDM) des pendules VBB. Ce dispositif, conçu pour minimiser les variations de température résiduelles auxquelles sont exposés les capteurs dans leur enceinte sous vide, a été réglé au cours des sols 77 et 81. L'ajustement consiste à faire pivoter d'un certain angle, en avant ou en arrière, les deux petites "oreilles" cuivrées (© IPGP/David Ducros).Au cours du sol 77, les ingénieurs ont procédé à un premier réglage des TCDM, de manière à diminuer au maximum la sensibilité thermique de chaque pendule indépendamment les uns des autres (d'autres stratégies auraient pu être adoptées, comme une diminution du bruit sur une certaine bande de fréquences, ou encore un ajustement de la sensibilité sur les trois pendules combinés). Le TCDM du pendule VBB #1 a été tourné de -5°, celui du VBB #2 de +20°, tandis que le TCDM du VBB #3 a été laissée à sa position de repos (0°).

Après une analyse des effets obtenus, des ajustements ont été effectuées au cours du sol 81 (+1° pour le VBB #1, +22° pour le VBB #2 et +2° pour le VBB #3). Suite à ces modifications d'orientation, les résultats ont été jugés satisfaisant par les ingénieurs en charge des performances, ce qui a permis d'augmenter le niveau de gain du mode scientifique. Les pendules VBB peuvent effectivement fonctionner selon deux modes, ingénierie (robuste mais peu sensible) et scientifique (risque plus important de saturation des capteurs mais plus précis), et ce avec des niveaux de gain variés. Grâce à l'action des TCDM, les pendules VBB peuvent désormais fonctionner à leur niveau maximal de sensibilité sismique.

Calibration des pendules

La calibration des pendules VBB représentait un autre aspect essentiel de la phase de la mise en service du sismomètre SEIS. Cette étape, indispensable pour pouvoir interpréter correctement les données fournies par l'instrument, consiste à générer de manière artificielle une série de vibrations grâce à la grande bobine extérieure du mécanisme de contre-réaction, et à observer la façon dont le pendule réagit à cette sollicitation.

Durant le sol 77, une première phase de calibration a été initiée en mode ingénierie (haut gain), à une température déterminée arbitrairement. Une seconde étape de calibration a ensuite été réalisée entre les sols 85 et 93, en mode scientifique, cette fois-ci pendule par pendule, et ce pour trois températures différentes (valeurs journalières minimales, maximales et moyennes). Des opérations de calibration ont également été exécutées sur les capteurs SP au début du mois de février.

En plus de la calibration proprement dite, deux paramètres fondamentaux des capteurs VBB ont aussi été déterminés pour la première fois sur Mars, et comparés aux valeurs enregistrées sur Terre avec des techniques de mesure identiques. Ces deux paramètres sont la fréquence propre (fréquence à laquelle le pendule oscille naturellement, et qui doit être la plus faible possible) et le facteur de qualité (taux, plus ou moins élevé, d'amortissement d'un pendule suite à une excitation donnée).

La dernière étape du processus de mise en service du sismomètre SEIS a consisté à effectuer une calibration absolue en modifiant d'une valeur connue la hauteur des pieds de la plateforme de mise en niveau, pour incliner le sismomètre et regarder les effets induits, notamment d'éventuelles différences entre les senseurs à courte période (SP) et les pendules très large bande VBB.

Suivi de la pénétration d'HP³

Premières tentatives de pénétration du capteur de flux de chaleur HP³ au cours des sols 92 et 94 (© NASA/JPL-Caltech).Premières tentatives de pénétration du capteur de flux de chaleur HP³ au cours des sols 92 et 94. Le blocage de la progression de la taupe dans le sous-sol est probablement dû à la présence d'une roche ou d'une couche de graviers à faible profondeur, mais il est également possible qu'à cause d'un changement d'inclinaison, le cylindre métallique soit coincé dans le tube porteur (© NASA/JPL-Caltech).Parallèlement aux opérations de calibration, le sismomètre SEIS s'est également mis à l'écoute des vibrations générées par l'enfoncement de la taupe du capteur de flux thermique HP³ dans le sous-sol martien au cours des sols 92 et 94. Celle-ci a malheureusement été assez rapidement stoppée dans son parcours. Il est probable qu'une roche ou une couche de gravier l'empêche de progresser dans le sous-sol, mais étant donné le changement d'inclinaison par rapport à la verticale (lié aux résistances rencontrées), il est également possible que le pénétrateur soit désormais mécaniquement bloqué dans son tube de support.

Les données collectées ont montrées que les capteurs à courte période (SP) du sismomètre SEIS, bien adaptés aux mesures à hautes fréquences, enregistrent de nombreuses informations, non seulement sur les opérations de pénétration, mais également sur le fonctionnement interne de la taupe. Quant aux capteurs VBB, les signaux sont tellement forts lorsque la taupe commence à marteler que ces derniers sont saturés.

Pour tenter de discerner ce qui immobilise la taupe dans son parcours vers les profondeurs du sous-sol, une troisième et courte séquence de pénétration d'HP³ d'une durée de 10 à 15 minutes va être programmée prochainement.

Au niveau des capteurs à courte période, l'objectif est de déterminer avec le maximum de précision le temps d'arrivée des signaux générés par les mouvements complexes des différentes parties mobiles de la taupe à chaque fois qu'elle enclenche un à-coup vers l'avant. Un filtre numérique spécifique va être chargé sur le boitier électronique de commande du sismomètre SEIS pour augmenter la résolution temporelle. Selon ce que les capteurs SP entendront, il  sera possible aux ingénieurs de savoir si la taupe continue d'avancer, même lentement, si elle ne cesse de rebondir contre un obstacle, ou encore si elle est totalement bloquée.

Un second filtre numérique sera également activé sur le sismomètre pour empêcher la saturation des capteurs ultra-sensibles VBB durant les opérations de pilonnage d'HP3. Grâce à l'étude de la différence de propagation des ondes sismiques selon les matériaux, il sera peut-être possible d'identifier la présence d'une couche indurée à environ 30 centimètres de profondeur.

La planète rouge sous surveillance sismique

Etalée sur une durée de 62 sols, la phase de mise en service de SEIS a permis de tester avec succès tous les sous-systèmes et mécanismes de l'instrument. Les segments et processus permettant de télécharger les données (données continues et données à haute résolution sur demande), et d'envoyer des séquences de commande ont aussi été validés. Ce bilan plus que satisfaisant va permettre le démarrage de la campagne scientifique de SEIS, qui débutera officiellement le 5 avril 2019 et qui couvrira une année martienne. Sur Elysium Planitia, tout est donc désormais en place pour que la station géophysique InSight puisse détecter les premiers séismes martiens, et dévoiler ainsi la structure interne de Mars.

Dernière mise à jour : 22 mars 2019

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