Le programme Discovery de la NASA
L'exploration du système solaire à moindre coût
La mission InSight est réalisée sous l'égide du programme Discovery de l'agence spatiale américaine, la NASA. Mis sur pied au début des années 1990, Discovery se veut une alternative à d'autres programmes américains plus coûteux et lourds, comme le programme New Frontiers (budget de 750 millions à 1 milliard de dollars) où le programme Flagship (budget de 1,5 milliard à 2 milliards de dollars).
Pour l'exploration robotique du système solaire, la philosophie habituelle de la NASA était de concevoir des sondes complexes, qui embarquaient un grand nombre d'instruments pour répondre à des objectifs scientifiques multiples et variés. Il n'était pas rare qu'au cours du développement, les attentes des scientifiques conduisent à l'ajout d'équipements additionnels, qui avaient pour conséquence d'augmenter la taille et le poids des satellites, et de provoquer une envolée non seulement de la complexité, mais aussi des coûts. Les dépassements budgétaires pouvaient parfois prendre de telles proportions qu'ils devaient incontrôlables, tandis que les plannings de développement se prolongeaient inexorablement. L'immense effort fourni pouvait certes aboutir à des découvertes majeures, mais revers de la médaille, toute perte avait des conséquences catastrophiques. Et malheureusement, malgré la grande attention portée à la gestion des risques, ces dernières pouvaient encore occasionnellement se produire.
Discovery et la philosophie du "plus rapide, mieux et moins cher"
En 1992, la disparition brutale de la sonde martienne Mars Observer, juste avant sa mise en orbite, conduisit la NASA à supporter une initiative qui devait permettre de révolutionner la manière dont l'exploration spatiale était menée. Baptisée faster, better and cheaper (plus vite, mieux et moins cher), son objectif était clair : réduire les coûts, diminuer les temps de développement et obtenir de meilleurs résultats. Pour le prix d'une grosse mission unique, il allait être possible d'en lancer plusieurs petites, pour maximiser le retour scientifique, mais également répartir les risques.
Le programme Discovery s'inscrivait directement dans l'initiative faster, better and cheaper. Il finance des missions peu onéreuses (450 millions de dollars hors frais de lancement), dont le coût est fixé à l'avance et ne peut-être changé, et qui sont focalisées sur une thématique scientifique bien précise. Le report de la mission InSight, de 2016 à 2018, et ses conséquences, est l'une des très rares exceptions à cette règle.
Le cycle de développement est court, et la mission doit être développée en trois années seulement. Placée sous la direction d'un investigateur principal (PI), qui a la responsabilité de sélectionner les instruments et de veiller à respecter les contraintes budgétaires, les missions du programme Discovery répondent à trois critères principaux : améliorer notre connaissance du système solaire, mettre au point des technologies nouvelles permettant de pousser plus avant l'exploration spatiale, et enfin susciter des vocations dans les domaines scientifiques et techniques auprès des étudiants et du public.
Initialement, la NASA prévoyait de lancer une mission Discovery tous les deux ans, mais les contraintes budgétaires finirent par la forcer à adopter un planning plus souple.
Mars Pathfinder, un éclaireur martien sous la bannière du programme Discovery
En 1996, la seconde mission du programme Discovery, Mars Pathfinder, décolla en direction de Mars, presque 40 ans après les sondes Viking.
Principalement technologique, cette mission devait permettre de tester une méthode à faible coût permettant de déposer à la surface de la planète rouge des instruments ainsi qu'un mini-rover.
Son succès, considérable, à la fois d'un point de vue technique mais aussi public (les premières images du site d'atterrissage furent transmises presque immédiatement grâce à Internet) semblait valider le virage pris par la NASA.
Hélas, deux années plus tard, la perte coup sur coup d'un orbiteur et d'un atterrisseur martien appartenant au programme Mars Surveyor (Mars Climate Orbiter et Mars Polar Lander) mis un frein sérieux à la philosophie low-cost prônée par l'agence spatiale américaine, et abouti à une réorganisation complète du programme d'exploration martien.
Suite à ces revers, plusieurs commissions d'enquête furent formées et rendirent leur verdict : en voulant accélérer exagérément le cycle de développement des engins spatiaux et réduire les coûts au maximum, des manquements avaient eu lieu dans certains domaines critiques, en particulier dans l'effort de documentation ainsi qu'au niveau de la phase de tests, absolument essentielle à la réussite d'une mission. Cependant, la philosophie symbolisée par le programme Discovery continuait d'être suffisamment pertinente pour recevoir du soutien.
InSight, 12eme mission du programme Discovery
InSight est la douzième mission du programme Discovery à être lancée. Elle fut sélectionnée en mai 2011 avec deux autres finalistes, Titan Mare Explorer (TIME) et Comet Hopper, et obtint un financement qui permis de débuter la phase A du projet, c'est à dire l'étude de design préliminaire.
A l'issue d'une commission de sélection, elle fut définitivement retenue en août 2012 pour faire partie du programme Discovery. A l'époque, la mission s'appelait encore GEMS (Geophysical Monitoring Station pour Station de surveillance géophysique), mais le nom fut modifié pour éviter toute confusion avec un observatoire fonctionnant dans les rayons X et développé par l'agence spatiale américaine. InSight était né.
Si l'euphorie déclenchée par l'atterrissage spectaculaire du rover Curiosity sur Mars en août 2012 a sans doute fait pencher un peu la balance en faveur d'InSight, il est important de rappeler que les objectifs scientifiques adressés par cette mission sont de tout premier ordre, et qu'à l'heure actuelle, nous ne connaissons presque rien des profondeurs de la planète rouge, faute d'avoir pu conduire des investigations sismiques sur place. Notons qu'idéalement, les géophysiciens auraient souhaité déployer un réseau de sismomètres autour de Mars, mais ce genre de mission n'est clairement envisageable dans le cadre d'un programme comme Discovery, ce qui explique qu'InSight n'ait qu'une station de mesures sismiques.
Un second facteur qui a peut-être joué en faveur d'InSight est lié au fait que ses deux concurrents, Time Mare Explorer et Comet Hopper, nécessitaient l'usage d'un générateur thermoélectrique radioisotopique de nouvelle génération (ASRG) comme source d'énergie.
Time Mare Explorer avait pour objectif d'amerrir et de flotter sur une mer d'hydrocarbure du satellite Titan, qui orbite autour de Saturne et qui avait déjà reçu la visite de la sonde européenne Huygens en janvier 2005. La mission Comet Hopper proposait quant à elle d'atterrir à plusieurs reprises sur la comète Wirtanen pour effectuer des mesures scientifiques et étudier l'interaction de la comète avec le soleil. Dans les deux cas, l'utilisation de panneaux solaires n'aurait pas permis une alimentation en énergie suffisante, d'où l'emport d'un dispositif capable de générer du courant électrique grâce à la chaleur émise par la décomposition d'un matériel radioactif (RTG).
La NASA avait mis en place un programme permettant de remplacer la génération actuelle de RTG (MMRTG) par un équivalent plus léger, possédant un rendement plus efficace, et capable de générer plus de puissance pour une quantité moindre de plutonium 238. Dénommé ASRG (Advanced Stirling Radioisotope Generator), ce projet fut annulé après la sélection d'InSight pour des raisons de coût.
La sonde InSight peut tirer toute l'énergie qui lui est nécessaire de panneaux solaires, et n'a pas l'utilité d'un RTG, contrairement à d'autres sondes martiennes où ce dispositif s'est révélé indispensable (Viking en 1976 et l'imposant rover Curiosity en 2012).