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Bruits et sources parasites

Bruits et sources parasites externes

Le sismomètre SEIS qui équipe la sonde InSight est extrêmement sensible. Avec une sensibilité mille fois supérieure au sismomètre qui équipait les sondes Viking en 1976, il peut repérer des déplacements inférieurs à la distance qui sépare l'électron du noyau de l'atome d'hydrogène. Cette prouesse technique est indispensable, car Mars est beaucoup plus silencieuse que notre planète. Sur Terre, la source de perturbations la plus importante pour les sismomètres n'est autre que le ressac des océans et des mers. Le déferlement des vagues sur les côtes génère un bruit sismique continu, qui permet à toute station sismique terrestre de détecter les tempêtes maritimes de l'océan le plus proche.

Bien entendu, l'activité humaine produit également une pollution sonore très importante en surface. On conçoit aisément que le passage d'une rame de métro ou le staccato d'un marteau piqueur puissent venir s'imprimer sur un enregistrement sismique. Enfin, l'atmosphère terrestre, qui est en continuel mouvement, laisse aussi des traces. Les variations de température, de pression, ainsi que les vents peuvent perturber fortement les mesures sismiques, d'où l'intérêt d'enterrer les sismomètres dans des puits de mines quand cela est possible.

Sans étendues d'eau en constante agitation ni mégapoles, la planète rouge est un monde très calme. Seule l'activité météorologique pourra parfois, comme sur Terre, venir brouiller les enregistrements sismiques. Elle devra donc être mesurée indépendamment, grâce à une station météorologique sophistiquée, pour être ensuite décorrélée des signaux fournis par l'instrument.

Les vents

Un prototype du sismomètre SEIS a été testé dans les conditions exceptionnelles offertes par le site sismique le plus calme d'Europe : une ancienne mine située sous la foret noire en Allemagne (© crédit photo)Un prototype du sismomètre SEIS a été testé dans les conditions exceptionnelles offertes par le site sismique le plus calme d'Europe : une ancienne mine située sous la forêt noire en Allemagne (© droits réservés).Même s'il n'est bien entendu pas possible d'enterrer le sismomètre SEIS dans le sous-sol, ou de le déposer dans une ancienne galerie de mine, les ingénieurs ont cherché à l'isoler au maximum des perturbations atmosphériques martiennes. Dans le domaine des longues périodes, très intéressant scientifiquement, les changements atmosphériques et les fluctuations dues aux vents et à la pression seront une source majeure de déplacement du sol, et ce indépendamment de toute activité sismique.

Pour parer à ce type de perturbation, l'instrument est protégé des vents par un bouclier éolien et thermique, le WTS, mais la protection n'est pas parfaite à 100 %. De plus,  des secousses liées à l'activité éolienne pourront atteindre le sismomètre par l'intermédiaire de la surface.

En fonction de la pression, la couche d'air située autour du site d'atterrissage appuiera effectivement plus ou moins fortement sur le sol, qui se déformera alors subtilement, un mouvement que ne pourra pas manquer d'enregistrer le sismomètre.

Les vibrations des panneaux solaires de l'atterrisseur, qui sont très fins et qui vibreront donc facilement sous l'effet des vents un peu comme les ailes d'un insecte, constitueront également une source de bruit parasite, tout comme la compaction du sol sous les trois pieds du bouclier WTS.

Précaution supplémentaire, les variations de pression seront surveillées continuellement par un baromètre ultra-sensible. Cependant, lorsque les rafales dépasseront la vitesse de 3à 5 m/s, le sismomètre commencera à voir un niveau de bruit appréciable, résultant de la déformation du sol par les fluctuations de pression générées par le vent. Ce bruit sera tout à la fois un obstacle pour détecter les petits séismes, mais aussi une nouvelle source de données pour les sismologues et les spécialistes de l'atmosphère du projet.

La température

Plus que les vents, l'ennemi n°1 du sismomètre SEIS sur Mars n'est autre que la température. Sur la planète rouge, les contrastes de température sont tels que les écarts thermiques doivent absolument être amenés à un minimum au niveau des pendules. Malgré les précautions prises, certains composants restent effectivement sensibles à la température, qui peut alors modifier le centre de gravité ou la raideur des ressorts et des pivots.

Pour contrer les variations de températures, les pendules sont placés à l'intérieur d'une sphère ou règne un vide poussée, sphère qui est ensuite positionnée derrière de multiples barrières isolantes, comme le bouclier thermique RWEB ou la cloche éolienne et thermique WTS. Un dispositif spécial, le TCDM, permettra de plus de minimiser la sensibilité des pendules aux changements de température.

Les modifications de température extérieures seront scrupuleusement suivies grâce à la station météo qui équipe l'atterrisseur InSight, ainsi que par des capteurs de température situés à l'intérieur de la sphère, sur le système de nivellement et au niveau du boitier électronique. Les données collectées serviront ensuite à corriger du mieux possible les signaux transmis par le sismomètre sur les très longues périodes.

Le très fort contraste de température existant entre le jour et la nuit (environ -60°C à -80°C) générera également des perturbations indirectes. La dilatation ou la contraction des matériaux de l'atterrisseur donneront effectivement lieu à des craquements, comme ceux qui animent parfois les maisons en hiver, lorsque la température descend brutalement et que la charpente se met à jouer.

Bruits et sources parasites internes

Travail en salle blanche (© Lucile Fayon)Les bruits internes des instruments spatiaux sont mesurés dans des environnements contrôlés, comme ici en salle blanche (© Lucile Fayon).Au sein du système solaire, il existe des astres encore plus silencieux que Mars. C'est le cas de la Lune, qui ne possède ni océans, ni atmosphères, ni villes bruyantes. Là bas, presque rien ne bouge depuis des milliards d'années, et les plus petits séismes, qui seraient totalement inaudibles sur Terre, peuvent être écoutés et analysés. Cependant, dans un silence quasi parfait, une autre source de bruit, plus sournoise que les bruits venant de l'extérieur (océans, atmosphère ou activité humaine) fait inévitablement son apparition.

Si l'on se contente d'amener sur la Lune un sismomètre terrestre et de le brancher durant la longue nuit sélène, quand la température est très stable, sans variation de plus de quelques millièmes de degré Celsius, on ne pourra que constater l'apparition de signaux parasites sur les enregistrements. Sur Terre, ces derniers seraient entièrement noyés dans le bruit de fond de notre planète, mais sur la Lune, ils ressortiraient avec une troublante netteté. D'où peuvent donc bien provenir ces bruits parasites ?

Il s'avère qu'un sismomètre placé dans un milieu totalement isolé de la moindre perturbation ne fournit pas un signal parfaitement plat, mais montre une activité subtile mais néanmoins bien réelle, qui prend naissance au coeur de l'instrument lui-même, par le biais de différents phénomènes, comme l'agitation thermique, la dérive mécanique ou les perturbations électromagnétiques.

Agitation thermique

Si l'on observe au microscope de minuscules particules d'huile placées en suspension dans l'eau, on sera surpris de voir les gouttelettes de graisse, qui devraient être totalement immobiles, vibrer et bouger de manière aléatoire dans toutes les directions. Ce mouvement particulier, qualifié de brownien en l'honneur de son découvreur, le botaniste Robert Brown,  est dû à l'agitation thermique des particules. A cause de son immense sensibilité, la partie mobile du pendule du sismomètre SEIS est impactée par l'agitation thermique, et va se mettre à osciller aléatoirement, indépendamment de tout mouvement du sol, sous l'effet des à-coups des rares molécules de gaz encore présentes dans la sphère sous vide.

L'isolation du sismomètre de l'environnement extérieur ne peut jamais éliminer le mouvement brownien : la seule façon de le réduire est de construire des sismomètres massifs, de réduire les frottements au niveau des parties mobiles ou d'abaisser leur température. Un bruit brownien semblable existe aussi dans les circuits des cartes électroniques, en particulier dès que ces dernières utilisent des résistances de grande valeur. L'agitation thermique, combinée au bruit thermique électronique, va constituer la principale source de bruit parasite pour des ondes sismiques d'une période de quelques secondes, qui sont justement celles qui intéressent le plus les scientifiques à cause du potentiel de découvertes qu'elles recèlent.

Perturbations électromagnétiques

Sur Mars, le sismomètre SEIS sera baigné par un champ électromagnétique émis par l'activité de l'atterrisseur, mais plus encore par l'ionosphère de la planète, cette partie de la très haute atmosphère ou certains atomes ou molécules sont ionisés.

Comme nous l'avons vu précédemment, une grande partie de la sensibilité de SEIS au champ magnétique vient du ressort des pendules VBB, usiné dans un alliage de fer et de nickel qui compense les variations de température par une modification de ses propriétés magnétiques. Le sismomètre SP, entièrement réalisé dans du silicium, n'est lui pas sensible au champ magnétique.

Là encore, comme pour les températures, les perturbations magnétiques pourront être enregistrées indépendamment grâce au magnétomètre FluxGate, puis extraites des signaux du sismomètre.

Autres sources parasites internes

D'autres sources de perturbations peuvent venir parasiter les mesures du sismomètre SEIS, comme le bruit électronique. Celui-ci est surtout présent au niveau du capteur DCS qui permet de mesurer le déplacement de la partie mobile du pendule par rapport à la partie fixe, mais il concerne également les circuits du dispositif de contre-réaction, les convertisseurs analogique/digital, etc. Des forces électrostatiques parasites peuvent également diminuer la sensibilité de l'instrument. Les parties mécaniques peuvent aussi subir une dérive, que la contre-réaction corrige, et à laquelle il est également possible de pallier en recentrant les pendules grâce au mécanisme d'équilibrage.

Caractérisation du niveau de bruit interne

Les sources de bruit internes du sismomètre SEIS sont assez bien connues, et ont été caractérisées par les ingénieurs responsables du développement de l'instrument.

Prédit d'un point de vue théorique par des modèles analytiques, les sources et l'intensité du bruit interne ont été validées sur plusieurs générations de sismomètres. Bien qu'il soit impossible de mesurer directement le niveau de bruit des pendules du sismomètre, une estimation indirecte mais précise a pu être réalisée en comparant des mesures du bruit terrestre effectuée par SEIS avec des données obtenues au même moment par des sismomètres terrestres qui équipent les observatoires, matériel plus précis mais bien plus lourd, et intransportable sur Mars.

Dernière mise à jour : 08 février 2017

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