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Optimism/Mars 96

L'expérience Optimism de Mars 96 : un sismomètre sur Mars 20 ans après Viking

Le 16 novembre 1996, la Russie renoue avec l'une de ses anciennes obsessions, l'exploration martienne, en lançant une sonde particulièrement ambitieuse, Mars 96. Composé d'un orbiteur embarquant une liste impressionnante d'instruments scientifiques, la mission comportait aussi deux petites stations autonomes, capables de se poser en douceur sur le sol de Mars, ainsi que deux pénétrateurs, qui, lancés comme des fléchettes depuis l'orbite, devaient s'enficher dans la surface rocheuse pour étudier le sous-sol.

La séquence d'atterrissage des capsules de Mars 96 (© David Ducros)La séquence d'atterrissage des capsules de Mars 96 (© David Ducros).

Les enjeux de Mars 96 étaient multiples, à l'image de la taille du vaisseau, et du fait que la mission s'appuyait sur une importante collaboration internationale.

Des scientifiques de nombreux pays s'étaient impliqués dans ce grand projet, dont la France. Parmi les instruments proposés par les laboratoires français se trouvait un sismomètre, monté sur les petites stations de surface, et baptisé Optimism.

Le sismomètre large bande de Mars 96

L'acronyme, qui signifie Observatoire PlanéTologIque : MagnétIsme et Sismologie sur Mars, portait également une touche d'humour. Il rappelait la nécessite d'être optimiste, quand il s'agit de chercher à écouter des secousses sismiques sur une planète aussi calme que Mars.

Avant Mars 96, l'unique sismomètre ayant jamais pu fonctionner sur Mars, celui de l'atterrisseur Viking 2, laissait effectivement penser que les séismes étaient des événements rares sur la planète rouge. Sur 19 mois d'écoute, réalisée certes dans des conditions difficiles, un seul séisme fut peut-être détecté. Une certaine dose d'optimisme semblait donc être nécessaire à ceux décidés à chercher des tremblements martiens, d'autant que les petites stations de Mars 96 devaient fonctionner entièrement de façon automatique, car elles étaient incapables de recevoir des télécommandes de la Terre. Ce challenge, qui est toujours aujourd'hui d'actualité comme le montre la mission InSight, n'empêcha pas une équipe française de s'atteler à la tâche, et de développer un instrument bien plus sensible que celui lancé en 1975 avec la mission américaine Viking.

Conçu par l'Institut du Globe de Physique de Paris (IPGP/CNRS) en collaboration avec l'Institut National des Sciences de l'Univers (INSU/CNRS) et la société SODERN (EADS), Optimism était un sismomètre dont le développement a posé de nombreux défis. Comme pour tous les sismomètres spatiaux, l'appareil devait être de petite taille, léger (le poids étant une source de coût majeur pour les activités spatiales), peu gourmand en énergie, et très sensible tout en étant capable de résister aux chocs immenses du lancement et de l'atterrissage.

Le sismomètre Optimism de la mission Mars 96 (© Hervé Piraud/IPGP)Le sismomètre Optimism de la mission Mars 96 (© Hervé Piraud/IPGP).

Le pari fut relevé par les équipes techniques. Pesant seulement 405 grammes, l'instrument tenait dans un cube de 9 cm environ de côté, et possédait une consommation électrique très basse : seulement 67,5 mW.

Optimism était un sismomètre sensible aux ondes sismiques de longue période (de 0,5 seconde à 10 secondes), sur l'axe vertical uniquement.

Les déplacements de la masse mobile, fixée sur un ressort, étaient enregistrés par deux capteurs, l'un permettant de mesurer la position du pendule, l'autre sa vitesse. La sensibilité était déjà très bonne, puisque Optimism pouvait réagir à des mouvements du sol de l'ordre du nanomètre à 2 secondes de période. Le sismomètre était alimenté par une pile d'une autonomie de un mois, tout en étant également branché sur l'alimentation de sa station porteuse.

Le pendule était enfermé à l'intérieur d'une demi-sphère en titane d'un volume de 1 litre environ, au sein de laquelle régnait un vide relativement poussé. Celui-ci était particulièrement important, car il permettait d'atténuer de façon efficace les variations de température présentes à l'intérieur de la sonde.

Optimism n'était pas en effet déployé sur le sol de Mars comme SEIS, mais conçu pour fonctionner à l'intérieur des stations, posées sur le sol après le largage des airbags. Une installation certes pas aussi performante que celle d'InSight, mais qui constituait néanmoins une forte amélioration par rapport aux atterrisseurs Viking. Ce progrès était rendu en grande partie possible par l'utilisation d'une structure rigide en fibre de carbone, intégrée à la petite station et fournie par la DT-INSU et l'IPGP au centre spatial de Babakine. Cette structure améliorait le couplage sismique de l'expérience Optimism.

La masse mobile pouvait être recentrée par un petit moteur, qui permettait aussi d'ajuster la position d'équilibre du pendule en fonction des incertitudes liées à la valeur de la gravité sur le site d'atterrissage. Une fois l'atterrissage des stations au sol effectué, le sismomètre était mis à niveau automatiquement par gravité, avec une précision de 1°. Pour obtenir des mesures les plus fiables possibles, Optimism était de plus épaulé par des capteurs de température et des inclinomètres.

Outre la sismologie, d'autres expérimentations de géophysique avaient été mise au programme de la mission Mars 96. C'est ainsi que les stations au sol embarquaient une station météorologique ainsi qu'un magnétomètre. Les pénétrateurs étaient également équipés d'un sismomètre à courte période, mais aussi d'un accéléromètre, d'un capteur de température et d'un magnétomètre, réalisé par l'Université de Brunswick en Allemagne, et dont les données étaient acquises par l'électronique d'Optimism.

Vue rotative du sismomètre Optimism de la mission Mars 96 (© IPGP).

L'orbiteur de Mars 96 largue les deux capsules contenant les petites stations autonomes de surface (© Manchu)L'orbiteur de Mars 96 largue les deux capsules contenant les petites stations autonomes de surface (© Manchu/Ciel & Espace).

La perte de Mars 96

L'exploration martienne est une entreprise très risquée, et le destin du sismomètre Optimism est là pour le rappeler. Malgré le soin, les efforts et les ressources allouées à son développement, les débris de l'instrument reposent aujourd'hui au fond du Pacifique.

Le 16 novembre 1996, environ une heure après son décollage, le quatrième étage du lanceur Proton subit un dysfonctionnement majeur, clouant définitivement la sonde Mars 96 sur une orbite terrestre basse. Sous l'effet des forces de friction de l'atmosphère, l'orbiteur martien voit sa trajectoire décliner rapidement, et disparaît sous les eaux de l'océan Pacifique le lendemain, engloutissant les rêves et les espoirs d'une armée entière de scientifiques et d'ingénieurs. Quant à la planète rouge, elle allait pouvoir continuer à garder pour elle les secrets de sa structure interne.

C'est à la sonde InSight qu'échoit désormais la tâche de marcher sur les traces des sondes Viking, 40 ans après leur atterrissage sur le sol de la planète rouge, et de succéder à Mars 96, 20 années après son dramatique lancement. Mars va-t-elle cette fois ci accepter de nous dévoiler ses secrets les plus intimes ? Hier comme aujourd'hui, l'optimisme est toujours de vigueur chez les sismologues planétaires.

Caractéristiques du sismomètre Optimism

  • Sismomètre sur l'axe vertical seulement (BRBZ, Broad Band axe Z).

  • Mesure du déplacement de la masse d'épreuve : capteur capacitif (position) et capteur inductif (vitesse).

  • Bande passante : 0,02 à 2 Hz.

  • Sensibilité : de l'ordre de à 10-9 g entre 0,1 Hz et 1 Hz, soit un gain de 100 par rapport à celui des atterrisseurs Viking.

  • Résistance au choc : 200 g pendant 10 millisecondes (à comparer à la sensibilité : 10-9 g).

  • Taux d'échantillonnage : entre 1 coup toutes les 4 secondes et 4 coups par seconde.

  • Débit de données : 1 Mbits par jour (0,5 Mbits par vacation de télémesure).

  • Dilatation thermique : déplacement de la masse mobile de 300 nm pour chaque °C.

L'équipe Optimism

Le logo du sismomètre Optimism (© IPGP)Le logo du sismomètre Optimism (© IPGP).L'instrument Optimism fut financé par le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES). L'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) avait la responsabilité scientifique de l'instrument, tandis que la responsabilité technique fut assurée par la direction technique de l'Institut National des Sciences de l'Univers (DT/INSU). La société SODERN (EADS) participa à la conception d'Optimism, et fut sélectionné pour sa réalisation. La société SOREP fut retenue quant à elle pour la partie électronique. Enfin, de nombreux autres partenaires collaborèrent au projet : AETA, Martin-Pfeil, VERELEC, l'Observatoire de Paris, Le Laboratoire de Physique du Solide de Meudon, TU-Braunschweig-IGM.

Dernière mise à jour : 18 septembre 2017

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