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Protection Planétaire

Etudier Mars sans la polluer

Dès le début de l'exploration spatiale, les scientifiques se sont interrogés sur les risques posés par l'envoi d'engins non stérilisés vers les autres planètes. Signé en 1967 par de nombreux acteurs de la conquête spatiale, le traité sur l'espace des Nations Unies stipulait que des précautions devaient être prises pour éviter la contamination des astres du système solaire par des germes terrestres. Ces derniers, en se développant dans un milieu favorable, pouvaient effectivement potentiellement éliminer d'éventuels micro-organismes extraterrestres, ou faire disparaître des indices chimiques d'une valeur scientifique inestimable pour la compréhension des origines du vivant.

Écouvillonnage de la sphère de vol (© Hervé Piraud/IPGP/SODERN/CNES)Écouvillonnage de la sphère de vol (© Hervé Piraud/IPGP/SODERN/CNES)

Les agences spatiales doivent donc se conformer à un ensemble de règles et recommandations, dites de protection planétaire, et qui sont édictées par le Comité pour la Recherche Spatiale, le COSPAR, sous l'égide des Nations Unies.

Les précautions qui doivent être prises dépendent à la fois de l'astre visé, et du type de mission. Dans le cas d'un simple survol de la Lune, les  contraintes de protection planétaires sont très légères : le risque de crash à la surface est limité d'une part par le type de la mission (survol), et la surface sélène est aussi jugée très hostile à toutes formes de vie. Au contraire, le risque de contamination est majeur dans le cas de la planète Mars, surtout quand il s'agit de se poser à sa surface.

Une mission de catégorie IVA

Selon les règles de protection planétaire du COSPAR, la mission InSight appartient à la catégorie IVa. Cette catégorie est réservée pour les missions qui n'ont pas pour objectif de détecter des formes de vie, mais qui sont destinées à atterrir sur des surfaces planétaires présentant un potentiel significatif pour la recherche de traces de vie et l'étude des origines de la vie. Les contraintes en vue d'empêcher à tout prix une contamination sont drastiques, et ont un poids non négligeable dans le budget de la mission.

Décontamination du sismomètre

Ensachage de la sphère de vol avant la réalisation d'un test de fuite (© Thierry Cantalupo/IPGP)Ensachage de la sphère de vol avant la réalisation d'un test de fuite (© Thierry Cantalupo/IPGP)

Le sismomètre SEIS devant rentrer en contact avec le sol martien, l'instrument doit être le plus propre possible.

Durant leur fabrication, les différents composants de l'instrument ont donc été désinfectés régulièrement, par exemple par nettoyage des surfaces avec des produits antiseptiques, comme de l'alcool isopropylique.

L'activité autour de l'instrument a lieu impérativement en salles blanches, celles-ci devant respecter au minimum la norme ISO 7.

Dans ces environnements de travail ultra-propre, le nombre de particules par mètre cube d'air doit être inférieur à 10 000. Les salles sont en surpression, pour empêcher l'apport de polluants depuis l'extérieur, et les techniciens doivent porter des combinaisons intégrales antistatiques avec masque intégré. Tous les outils amenés de l'extérieur sont de plus obligatoirement désinfectés.

Une fois assemblé, le sismomètre doit encore être stérilisé, soit par un étuvage à sec (110°C pendant 50 heures), ou une exposition à un plasma gazeux d'eau oxygénée. De plus, tout au long du processus de fabrication, des prélèvements ont lieu périodiquement sur différents composants pour vérifier le degré de contamination des surfaces.

En tout et pour tout, le sismomètre SEIS ne doit pas servir de support à plus de 20 000 germes microbiens. Pour éviter toute recontamination après nettoyage ou stérilisation, par exemple durant le transport ou les manipulations, les ingénieurs utilisent des sacs spéciaux (Tyvek ®) permettant le passage de connecteurs.

Manoeuvre d'évitement du lanceur

Le sismomètre SEIS n'est pas le seul système à devoir se plier aux règles de protection planétaire. Ces dernières s'appliquent effectivement à l'ensemble de la mission, sonde et lanceur y compris.

Effectivement, la sonde InSight n'est pas la seule à voyager vers Mars. L'étage supérieur Centaur de la fusée Atlas-V, qui fournit la poussée nécessaire pour arracher la sonde à l'emprise de l'attraction terrestre, part également vers Mars. Etant donné qu'il n'est pas envisageable de stériliser un engin aussi volumineux qu'un étage de lanceur, il faut trouver un moyen pour s'assurer que la trajectoire suivie par l'étage Centaur ne croise pas celle de Mars.

Les règles de protection planétaire stipulent que la probabilité de crash du Centaur sur Mars doit être inférieure à 10-4 sur une durée de 50 ans. Ainsi, lors de son lancement, et contrairement à ce que l'on pourrait croire, InSight et son lanceur ne sont pas pointés directement vers la planète rouge. Tout est fait au contraire pour que la fusée rate sa cible ! Ce n'est que par l'intermédiaire de manoeuvres de correction de trajectoire au cours de la phase de croisière que la sonde est remise progressivement sur le droit chemin.

De plus, à titre de précaution supplémentaire, juste après la séparation de la sonde InSight dans le voisinage de la Terre, l'étage Centaur effectue une manoeuvre d'évitement de collision et de contamination (CCAM), pour diminuer encore le risque de contamination de la planète rouge.

Enfin, même le risque d'écrasement de la sonde InSight sur Mars, suite à une anomalie critique survenue durant le trajet Terre - Mars, est pris en compte. Les navigateurs interstellaires doivent prouver que la probabilité d'une collision avec la planète est minime, et de très nombreuses simulations sont effectuées pour pouvoir convaincre les officiers chargés de faire respecter les règles de protection planétaire.

On le voit, les principes de Protection Planétaire ont des conséquences non négligeables sur le déroulement d'une mission spatiale.

Décontamination et stérilisation de la sonde

Zones de prélèvement autorisées sur la sphère de vol SEIS (© droits réservés)Zones de prélèvement autorisées sur la sphère de vol SEIS (© droits réservés)

Comme le sismomètre, la sonde InSight a été assemblée et testée en salle blanche. Les composants ont été régulièrement nettoyés et/ou stérilisés, et de nombreuses précautions ont été prises pour éviter la recontamination.

Des prélèvements effectués à intervalles réguliers ont permis de quantifier le niveau de contamination. Sur la totalité de la sonde (étage de croisière compris), le nombre de spores (c'est ainsi que sont comptabilisés les germes) doit être inférieur à 500 000. Pour l'atterrisseur, destiné à rejoindre le sol de Mars, la valeur acceptée est plus basse : seulement 300 000 spores au maximum sont autorisées. En moyenne, sur les surfaces du vaisseau, le nombre de spores doit être inférieur à 300 par m2. A l'intérieur, la quantité de spores acceptée est un peu plus grande, sachant que pour que ces dernières soient libérées au niveau de l'environnement martien (surface, sub-surface et atmosphère), la sonde doit en effet s'écraser.

Tous les matériaux organiques employés pour la réalisation d'InSight sont de plus passés en revue. Selon le poids qui est envoyé vers Mars, chaque matériau est soit simplement documenté, soit inventorié (avec prélèvement d'un échantillon qui est ensuite conservé).

Même si InSight ne conduit aucune expérience de détection de vie, les scientifiques surveillent attentivement l'envoi de molécules contenant des atomes de carbone sur Mars. Le risque que ces dernières viennent un jour perturber des analyses chimiques effectuées dans le futur par d'autres missions n'est effectivement pas nul, d'où l'importance de tenir à jour un registre de ce que l'on dépose sur Mars.

Mentionnons pour terminer que le site d'atterrissage ou la sonde InSight va se poser n'est pas une région spéciale, c'est à dire un secteur de la planète Mars ou des formes de vie terrestres auraient de fortes chances de pouvoir se propager, suite à la présence de glace ou de film d'eau liquide à proximité de la surface.

Située à l'équateur, le sol de la plaine d'Elysium est desséché, et c'est pourquoi le pénétrateur de l'instrument HP3, qui doit forer jusqu'à une profondeur de 5 mètres, a reçu l'aval de la part des officiers de protection planétaire. Si des lentilles de glace avaient affleuré en surface, et à cause de la chaleur dégagée par l'enfoncement de la taupe, la situation aurait été radicalement différente.

Dernière mise à jour : 26 octobre 2016

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