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Des tests, des tests, et encore des tests

Température, chocs et vibrations, vide, radiations et champs électromagnétiques, il faut tout tester !

Inspection de la sphère de vol du sismomètre SEIS (­© Hervé Piraud/IPGP/SODERN/CNES)Inspection de la sphère de vol du sismomètre SEIS (­© Hervé Piraud/IPGP/SODERN/CNES)

Dans le domaine spatial, les tests ont une importance absolument vitale. D'eux va dépendre le bon fonctionnement d'un instrument dans l'espace, et donc le succès de la mission.

Modèles de tests

La batterie de tests commence dès la conception de l'instrument, avec le modèle structural et thermique (STM), qui sert à valider deux aspects clés d'un instrument : la résistance de la structure, ainsi que son comportement sous un stress thermique.

Les ingénieurs élaborent ensuite un modèle de qualification (QM), déjà fonctionnel, et sur lequel toute une série de tests est conduite, dont des tests électriques. Si ces derniers donnent satisfaction dans leur ensemble, un modèle de vol, destiné à être envoyé dans l'espace, peut alors être construit, en même temps qu'un modèle de rechange, qui sera utilisé si le modèle de vol finit par présenter des défaillances. Modèle de vol et modèle de rechange sont bien entendu testés de la même manière que le modèle de qualification.

Le nombre de tests auquel est soumis un instrument spatial est impressionnant, et reflète les challenges qui jalonnent le chemin de sa mise au point. Les tests sont globalement découpés en deux grands groupes : les tests fonctionnels, et les tests environnementaux.

Tests fonctionnels : l'instrument fonctionne-t-il correctement ?

Instruments de mesure, cave sismique de St-Maur (­© Thierry Cantalupo/IPGP)Instruments de mesure, cave sismique de St-Maur (­© Thierry Cantalupo/IPGP)

Première chose à vérifier, le bon fonctionnement de l'instrument dans l'environnement où il est sensé travailler.

Mettre au point un sismomètre martien sur notre planète n'a effectivement rien d'une partie de plaisir. Non seulement l'appareil doit correctement se comporter sur Terre, mais il doit aussi parfaitement fonctionner dans des conditions martiennes, c'est à dire à des températures glaciales (jusqu'à -65°C), et sous une atmosphère très ténue de dioxyde de carbone.

Le sismomètre est donc régulièrement enfermé dans des caissons étanches qui simulent l'environnement martien. Certains aspects sont cependant impossibles à répliquer, comme la gravité martienne, trois fois plus faible que la gravité terrestre.

Les ingénieurs utilisent alors des astuces pour tenter de coller au plus près de la réalité. Dans le cas du sismomètre SEIS, une petite masse est ajoutée au pendule au niveau du pivot, ou ce dernier est incliné d'un certain angle pour obtenir, perpendiculairement au plan incliné, la même valeur d'accélération que celle en vigueur sur Mars. Ce test n'est cependant pas sans conséquences, car la gravité terrestre continue malgré tout de s'exercer sur le pivot des pendules.

Performances

Les tests fonctionnels englobent également des notions de performance. L'instrument doit non seulement fonctionner, mais il doit également offrir un niveau de performance minimal, par exemple en termes de sensibilité, pour pouvoir répondre aux problématiques scientifiques pour lesquelles il a été conçu. De très nombreux tests adressent donc la question des performances, et les données collectées sont étudiées avec une grande minutie pour détecter tout comportement anormal ou décevant.

Malgré les efforts déployés pour vérifier le bon fonctionnement et le niveau de performance du sismomètre martien SEIS, des zones d'ombre subsistent obligatoirement. Elles ne seront levées qu'une fois sur Mars.

SEIS est effectivement un instrument ultra-sensible, car il est conçu pour une planète très calme d'un point de vue sismique. Sans le bruit incessant du ressac des mers et des océans, et sans la tumultueuse activité humaine, Mars est effectivement très silencieuse, quand on la compare à la Terre.

Lorsqu'il est allumé sur Terre, le sismomètre SEIS est immédiatement perturbé par un bruit de fond qui rend impossible la détermination exacte de ses caractéristiques réelles. Les ingénieurs responsables de sa conception ont pourtant placé des prototypes dans des environnements coupés du monde, comme le fond d'une galerie de mine abandonnée en plein coeur de la Forêt Noire, en vain. Même là bas, la Terre est encore trop bruyante pour lui pour des périodes inférieures à 20 secondes, et seules les comparaisons entre des signaux enregistrés à la fois par SEIS et des sismomètres terrestres de référence permettent de mettre en évidence le bruit de l'instrument.

Tests environnementaux : chocs et vibrations

Sortie de caisson de la sphère de vol du sismomètre SEIS (­© Hervé Piraud/IPGP/SODERN/CNES)Sortie de caisson de la sphère de vol du sismomètre SEIS (­© Hervé Piraud/IPGP/SODERN/CNES)

L'espace est un milieu qui ne pardonne pas, et c'est là que les choses se compliquent encore pour SEIS.

Car le sismomètre doit non seulement continuer à fonctionner, mais aussi garder son niveau de performance, c'est à dire sa grande sensibilité, après avoir traversé et subi des agressions qui détruiraient n'importe quel sismomètre sophistiqué conçu dans un but uniquement terrestre.

Dès son lancement, le sismomètre va effectivement encaisser des chocs brefs mais extrêmement violents, et être secoués dans tous les sens. La plus petite fragilité au niveau des mécanismes les plus délicats peut alors avoir des conséquences désastreuses. Sur Terre, la résistance aux vibrations et aux chocs (généralement causés par la mise à feu de dispositifs pyrotechniques au cours des différents stades de la mission) est donc testée sur des plateaux vibrants, qui peuvent être vus comme autant d'appareils de torture.

Comparé à d'autres instruments, le sismomètre pose un défi de taille, car par définition, il comporte une partie mobile devant librement se déplacer le long d'une partie fixe au moindre mouvement. Durant des phases critiques, comme le décollage ou l'atterrissage, il pourrait être intéressant de verrouiller la partie mobile, et de ne déverrouiller cette dernière qu'une fois au sol.

En 1976, l'incapacité de la sonde Viking 1 à ôter la goupille de son sismomètre fait que ce système est vue d'un mauvais oeil par les ingénieurs. Pour le sismomètre SEIS, aucun système de verrouillage n'a donc été utilisé. La résistance aux vibrations et aux chocs des pendules tient en partie au fait que la partie mobile ne possède que très peu de jeu. Son déplacement est effectivement limité à seulement quelques dizaines de microns, ce qui ne l'empêche pas de pouvoir mesurer des secousses de grande ampleur.

Températures et vide

Deuxième caractéristique du milieu spatial, les contrastes énormes de température. Durant le voyage entre la Terre et Mars, et une fois à la surface de la planète rouge, le sismomètre SEIS va expérimenter des sautes extrêmes de température. Sur Terre, pour vérifier son comportement thermique, l'appareil est donc successivement porté à des températures élevées dans des étuves (jusqu'à 60 °C), avant d'être placé dans des enceintes ou règnent des températures glaciales pouvant descendre jusqu'à -75°C. Des tests sur des prototypes ont même été réalisés à des températures inférieures à -100°C.

L'espace est par définition un milieu (presque) vide, et des tests sont donc effectués pour vérifier le bon fonctionnement du sismomètre en l'absence complète d'air. Grâce à des caissons martiens, les ingénieurs s'assurent également que l'instrument est capable de supporter l'atmosphère martienne, soit quelques millibars seulement de dioxyde de carbone. Cette atmosphère, bien différente de celle de notre planète, peut d'ailleurs avoir des conséquences surprenantes sur les systèmes électroniques, en favorisant par exemple les arcs électriques.

Radiations et champs électromagnétiques

Test d'un pendule VBB (© Patrice Latron/IPGP)Test d'un pendule VBB (© Patrice Latron/IPGP)En l'absence de champ magnétique déflecteur et d'une atmosphère, l'espace est baigné par des radiations délétères provenant du soleil ou du milieu galactique. Celles-ci sont composées de particules très énergétiques qui peuvent faire d'immenses dégâts sur les composants électroniques.

C'est ainsi que placé dans l'espace, l'ordinateur sur lequel vous lisez ce texte cesserait presque immédiatement de fonctionner, à cause de la corruption de la mémoire vive ou des registres du processeur central par les rayons cosmiques ou le vent solaire. Des batteries de tests doivent donc là encore être conduites pour vérifier la bonne tenue du sismomètre SEIS aux radiations, que ce soit durant le vol Terre - Mars, où une fois posé à la surface de la planète rouge (où il sera cependant relativement protégé par l'atmosphère de la planète).

Enfin, d'autres tests servent à valider le fonctionnement du sismomètre par rapport aux champs électromagnétiques environnants. Une fois à la surface de Mars, l'atterrisseur InSight va générer par sa propre activité des champs électromagnétiques. Dans ce domaine, l'exemple le plus parlant est sans doute celui des antennes radio, en particulier de l'antenne UHF, qui assurera les communications avec le satellite américain Mars Reconnaissance Orbiter. Des tests ont ainsi eu lieu sur Terre, au centre spatial Toulousain du CNES pour vérifier que l'antenne en question ne perturbe pas le sismomètre quand elle émet ou reçoit un signal radio.

Face à cette liste qui donne le tournis, il est possible de commencer à imaginer l'incroyable quantité de travail à laquelle les équipes techniques qui ont conçu et mis au point le sismomètre SEIS ont dû faire face. Des pièces entières peuvent facilement être remplies rien qu'avec les données brutes, les rapports de test, les listings d'anomalies techniques et les bilans et synthèses.

C'est pourtant à ce prix, et à ce prix seulement, que les scientifiques pourront bénéficier d'un instrument capable d'enregistrer et de caractériser les plus infimes tressautements d'un monde extraterrestre, située à des centaines de millions de kilomètres de la Terre.

Dernière mise à jour : 26 octobre 2016

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