Le site d'atterrissage
Destination finale : la plaine d'Elysium
Sur Mars, la sélection d'un site d'atterrissage obéit à deux contraintes principales. La première est d'ordre technique, et intéresse principalement les ingénieurs, dont l'objectif est de parvenir à tout prix à poser au sol la sonde dont ils sont responsables en un seul morceau. La seconde est d'ordre scientifique, et parle surtout aux scientifiques impliqués dans la mission. Pour eux, l'idéal est d'atterrir dans un endroit où les expérimentations scientifiques pourront avoir lieu dans de bonnes conditions, et où le potentiel de découverte est maximal.
Contraintes d'ingénierie
En ce qui les concerne, les ingénieurs sont particulièrement intéressés par un ensemble de facteurs capables de diminuer le niveau de risque lors de l'atterrissage. L'atmosphère étant mise à profit pour ralentir la sonde lors de sa descente, un site situé à basse altitude est préférable à un site situé en hauteur. Pour bénéficier de la couche d'air la plus épaisse possible, les ingénieurs seront donc bien plus attirés par un bassin ou une plaine, plutôt que par le sommet d'un volcan. En surface, ils éviteront au maximum les pentes abruptes et glissantes, les sols jonchés de gros cailloux, les terrains accidentés, marqués par des crevasses ou des cratères d'impact.
Dans ce domaine, l'idéal est une surface naturelle aussi plate et dégagée qu'une place de parking. Une fois la sonde en place, il s'agit ensuite d'assurer sa survie dans un environnement martien hostile et exigeant. Les températures diurnes et nocturnes, ainsi que la qualité de l'ensoleillement sont de ce point de vue essentiels. Que le secteur soit monotone et ennuyeux d'un point de vue géologique, que les premiers affleurements rocheux intéressants soient hors de portée n'a pas la moindre importance pour les ingénieurs. Pour eux, il s'agit de poser la sonde, sachant que si l'atterrissage échoue, il ne pourra y avoir aucune activité scientifique. La sécurité avant tout, que ce soit pendant l'atterrissage ou après.
Contraintes scientifiques
Bien entendu, si la sonde, après un voyage de plusieurs centaines de millions de kilomètres dans l'espace, parvient à atteindre saine et sauf la surface de Mars, pour se retrouver dans un endroit décevant d'un point de vue scientifique, le jeu n'en vaut pas non plus la chandelle.
Les scientifiques bataillent donc fermement pour que les ingénieurs acceptent de prendre des risques, de façon à pouvoir avoir la chance de visiter les endroits les plus remarquables de la planète rouge.
Processus de sélection
Au vu de ce qui vient d'être dit, on comprend que la sélection d'un site d'atterrissage soit un processus long et complexe, au cours duquel ont lieu d'innombrables débats entre, d'un côté les ingénieurs, et de l'autre les scientifiques.
Le choix du site d'atterrissage de la sonde InSight a eu lieu en plusieurs étapes. En septembre 2010, le comité de sélection avait définitivement retenu la région d'Elysium Planitia, et, une fois n'est pas coutume, toutes les zones cibles, identifiées par des ellipses, étaient dans ce secteur. Généralement, à ce stade peu avancé du processus de sélection, les ellipses sont disséminées un peu partout à la surface de Mars. Ici, ce ne fut pas le cas, ce qui reflète l'importance donnée aux contraintes d'ingénierie.
Contrairement aux précédentes sondes martiennes qui se sont posées sur Mars, depuis les sondes Viking en 1976 jusqu'au rover Curiosity en 2012, la sélection d'un site d'atterrissage pour InSight a été relativement simple. La principale raison tient au fait que cet atterrisseur est une station de mesures géophysiques, et que les scientifiques sont bien plus intéressés par ce qui se passe en profondeur, que par ce qui va se dérouler en surface.
Tout site plat et monotone faisait donc potentiellement l'affaire, pour la plus grande joie des ingénieurs. La consigne pour la sélection du site d'atterrissage d'InSight a donc été très simple : atterrir en sécurité.
Idéalement, si les géophysiciens avaient pu choisir en toute liberté, en s'affranchissant des contraintes liées à l'atterrissage, InSight aurait été envoyée dans le secteur de Mars que l'on estime le plus touché par les séismes, le dôme de Tharsis. Cet immense bombement de la croûte, qui supporte plusieurs volcans géants, semble avoir connu des phases d'intenses activités sismiques, mais son altitude est trop élevée pour permettre une descente sous parachute en toute sécurité.
En mai 2012, les sites potentiels étaient encore assez nombreux, autour de la vingtaine. En juillet 2013, les participants avaient réussi à se mettre d'accord sur une liste de finalistes comportant seulement 4 sites, et en janvier 2015, l'ellipse finale fut sélectionnée, ainsi qu'une zone de secours, au cas où le site retenu en première position se révèle finalement impraticable.
La plaine d'Elysium
Le 26 novembre 2018, InSight va atterrir sur la plaine d'Elysium (Elysium Planitia), une région située à proximité de l'équateur, par 4° nord de latitude.
Elysium est un terme latin qui fait référence à l'Elysée, plaine de lumière de la mythologie grecque où les êtres humains étaient jugés après leur mort, et où les âmes vertueuses pouvaient résider et trouver enfin le repos. La prochaine fois que vous aurez l'occasion de marcher le long des Champs-Elysées à Paris, vous pourrez donc avoir une petite pensée pour Mars et InSight !
La surface du site, assez ancienne (âge hespérien, soit entre 4 et 3,5 milliard d'années), est plate et peu caillouteuse. Aucun relief ou pente escarpée capable de tromper le faisceau radar de l'altimètre de descente n'est présent.
La sonde devrait être capable de se poser bien droite sur ses pieds, sans risque de se retrouver penchée en équilibre instable, un patin sur un caillou. Les panneaux solaires en forme de pétales devraient pouvoir s'ouvrir sans rencontrer d'obstacles empêchant ou contrariant le déploiement. Les dépôts épais de poussière, sorte de sable mouvant où la sonde pourrait s'enfoncer, sont absents. La couche de poussière déposée à partir de l'atmosphère est effectivement très fine (moins d'un millimètre).
Le sol devrait parfaitement convenir pour la mission. La couche de régolite, terrain friable et concassé, est suffisamment épaisse et peu consolidé pour donner l'occasion au pénétrateur de l'instrument HP3 de s'enfoncer sans trop de difficulté.
L'ensoleillement permettra aux panneaux solaires de fonctionner avec efficacité, tandis que la sonde bénéficiera aussi de températures relativement clémentes, en tout cas pour Mars. Enfin, l'altitude du site ainsi que la force des vents permettra au parachute de freiner correctement l'engin durant la descente, sans que celui-ci ne soit trop ballotté.
D'un point de vue sismique, la plaine d'Elysium est moins intéressante que le dôme de Tharsis, mais sa proximité avec le secteur accidenté qui sépare les hauts plateaux de l'hémisphère sud des basses plaines de l'hémisphère nord, la fameuse dichotomie martienne, lui confère toutefois un certain intérêt.
En surface, les géologues ont recensé quelques formations dont l'étude pourrait présenter un intérêt. On trouve ainsi des rides de compression, ainsi que des reliefs formés par l'activité hydrologique, éolienne et sédimentaire. Rappelons toutefois que l'objectif principal d'InSight est d'étudier les profondeurs de Mars, et non la géologie superficielle.
Ellipse d'incertitude
Quelque soit les progrès effectués dans l'exercice de haut vol qui consiste à poser une sonde robotique sur Mars, il existe toujours une certaine incertitude quant au lieu exact où les patins des engins toucheront la surface rouillée de la planète.
Cette incertitude est matérialisée dans le cas d'InSight par une ellipse, qui mesure 130 kilomètres de longueur pour 27 kilomètres de largeur, et couvre une superficie relativement importante. Cette ellipse représente la région où la sonde a 99% de chance de se poser.
Le centre de l'ellipse se situe précisément à 4° de latitude nord et 136° de longitude est. Le plus proche compagnon d'InSight sera le rover Curiosity, qui s'est posé à une longitude similaire, mais de l'autre côté de l'équateur, par 4,5° de latitude sud. Plus à l'est, à l'intérieur du cratère Gusev, se trouve le rover Spirit, dont la dernière transmission remonte au 22 mars 2010.
Reconnaissance orbitale
Le secteur d'atterrissage d'InSight a déjà été photographié à plusieurs reprises par la caméra espion embarquée sur le satellite américain Mars Reconnaissance Orbiter. Les images à haute résolution obtenues continuent pour l'instant d'être rassurantes.
L'étude des terrains à l'intérieur de l'ellipse se poursuivra néanmoins jusqu'au dernier moment, et si le moindre problème fait surface, le choix se portera alors sur un site de secours. La confirmation finale du site d'atterrissage d'InSight aura normalement lieu en novembre 2017.