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La lune

Les premières expériences de sismologie planétaire eurent lieu sur notre satellite la Lune

  • Une sonde Ranger (© NASA)Une sonde Ranger (© NASA).

    La sismologie planétaire a pris son envol au début des années 60, avec le programme américain Ranger, qui consistait à envoyer vers la lune, sur une trajectoire de collision, une série de sondes chargées de photographier la surface. Pour pouvoir accomplir leur mission, les engins étaient bardés d'appareils photos, mais des sismomètres avaient été montés sur la seconde série de sondes, Ranger 3, 4 et 5.

    La manière brutale qu'avaient les sondes Ranger d'aborder la Lune ne semble à priori pas compatible avec la dépose d'un sismomètre, appareil par définition très sensible au moindre choc. Les ingénieurs de la NASA avaient néanmoins conçu une sphère en bois de balsa capable de survivre à l'impact avec le sol de la Lune, et sous la protection de laquelle ils avaient placé un sismomètre.

    Pour la NASA, le programme Ranger fut un échec sérieux, puisque sur les 9 sondes lancées depuis la Terre, aucune ne put réussir sa mission, à cause de divers dysfonctionnements, que ce soit lors du lancement, ou durant la phase de guidage vers la Lune.

    Équipée d'un sismomètre, Ranger 3 rata sa cible suite à son lancement le 26 janvier 1962 et se perdit dans les confins de l'espace. Ranger 5 connut le même sort neuf mois plus tard. Quant à Ranger 4, un dysfonctionnement dans son ordinateur de bord priva le vaisseau de l'usage de ses panneaux solaires et de ses capacités de navigation, et la sonde s'écrasa sur la Lune sans qu'aucune donnée ne puisse être obtenue.

    Dernière mise à jour : 31 juillet 2017

  • Modèle d'une sonde lunaire Surveyor (© NASA)Modèle d'une sonde lunaire Surveyor (© NASA).

    Pour les scientifiques intéressés par l'activité sismique lunaire, la suite logique au programme Ranger aurait été d'embarquer des sismomètres sur les sondes du programme Surveyor.

    Ce dernier devait impérativement réussir, la NASA n'ayant plus droit à l'erreur après la débâcle des Ranger. Un sismomètre fut donc mis au point par des ingénieurs, mais ce dernier finit par être annulé, mettant un frein temporaire aux ambitions des géophysiciens.

    Dernière mise à jour : 25 octobre 2016

  • Portrait de l'astronaute Buzz Aldrin durant la mission Apollo 11 (© NASA)Portrait de l'astronaute Buzz Aldrin durant la mission Apollo 11 (© NASA).

    Apollo 11

    Le premier sismomètre lunaire sera finalement déposé par la main de l'homme, et non par l'intermédiaire d'un engin robotique, grâce aux missions Apollo. En juillet 1969, Buzz Aldrin installe sur la Mer de la Tranquillité un sismomètre baptisé PSE (Passive Seismic Experiment, ou expérimentation sismique passive). Comme son nom l'indique, il s'agit d'un appareil permettant d'écouter les bruits sismiques naturels, mais qui ne s'appuie par sur des techniques actives, comme des impacts ou des explosions, pour générer des ondes sismiques.

    L'appareil qu'Aldrin dépose sur le sol sélène est alimenté par des panneaux solaires, et il ne peut donc s'activer qu'avec l'apparition du soleil, pour stopper les mesures la nuit par manque de courant. Au cours du second jour lunaire, vers midi, à cause d'un ensoleillement trop important, l'instrument surchauffe et cesse définitivement de fonctionner. Il aura néanmoins permis d'effectuer des relevés durant 21 jours terrestres, soit un peu moins d'une journée lunaire (qui s'étire sur 28 jours terrestres).

    Le sismomètre PSE était un instrument sensible aux vibrations dans les trois directions de l'espace pour les longues périodes (trois axes), et sur un axe pour les courtes périodes. D'un poids de 11,5 kg, sa consommation électrique variait entre 4,3 et 7,4 watts. Il était usiné en béryllium, un métal très léger mais également très délicat et coûteux à travailler à cause de sa toxicité extrême pour l'être humain.

    Le bon fonctionnement d'un sismomètre dépend fortement de la qualité de son installation, et grâce au retour d'expérience acquis durant Apollo 11, un soin plus important fut apporté à la dépose des sismomètres suivants. L'orientation et la mise à niveau furent effectuées avec une plus grande précision, et les instruments étaient également revêtus d'une couverture thermique, de manière à atténuer l'échauffement. Le remplacement des panneaux solaires par un générateur thermo-électrique radioisotopique (dispositif permettant de générer de la chaleur par la décomposition radioactive de noyaux atomiques instables) permis aussi aux sismomètres suivants de continuer à fonctionner de nuit dans l'obscurité.

    Un réseau de sismomètres déposés par Apollo 12, 14, 15 et 16

    Bande magnétique contenant les enregistrements des événements sismiques actifs de la mission Apollo 16 (© IPGP).Bande magnétique contenant les enregistrements des événements sismiques actifs de la mission Apollo 16 (© IPGP).

    Le second sismomètre amélioré est déposé dans l'Océan des Tempêtes lors de la mission Apollo 12. Il est bientôt rejoint par d'autres stations de mesure sismiques, déployées respectivement sur les sites de Fra Mauro (Apollo 14), Hadley (Apollo 15) et enfin sur les hautes terres du cratère Descartes (Apollo 16). Mis ensemble, ils constituèrent un réseau de quatre stations sismiques formant un maillage sur le centre de la face visible de notre satellite, qui permit de sonder l'intérieur de la lune, et de déterminer les caractéristiques de la propagation des ondes sismiques dans ses enveloppes rocheuses.

    En décembre 1972, la dernière mission Apollo, Apollo 17, déploya un gravimètre dans le secteur de Taurus-Littrow, dont l'objectif était de tenter de mesurer les ondes gravitationnelles prédites par la théorie de la relativité générale (et qui furent mis pour la première fois en évidence en février 2016 par l'observatoire terrestre LIGO).

    Les ondes gravitationnelles ne furent pas observées sur la Lune, mais les géophysiciens s'aperçurent bien plus tard que l'instrument se comportait comme un sismomètre à courte période de faible sensibilité, et que les données renvoyées sur Terre en faisaient une cinquième station sismique, soit une véritable aubaine. En sismologie, plus on est de fous, et plus on rit !

    Les expérimentations lunaires prennent fin en septembre 1977, après presque huit années d'observation, et le recueil de 600 gigabits de données. Si les sismomètres étaient passifs, des expériences de sismologie actives, permettant de générer sur demande des ondes sismiques eurent aussi lieu sur notre satellite.

    Sismologie active

    Site du crash du troisième étage (S-IVB) de la fusée Saturne V de la mission Apollo 16 (© LRO/NASA).Site du crash du troisième étage (S-IVB) de la fusée Saturn V de la mission Apollo 16 (© LRO/NASA).

    En provoquant volontairement le crash de masse lourde, comme le dernier étage des fusées Saturne V ou l'étage de remontée des modules lunaires (une fois celui-ci utilisé), les géophysiciens pouvaient effectivement provoquer des impacts générateurs d'ondes sismiques, avec un avantage de taille par rapport aux mesures passives: la source du séisme pouvait être localisée très précisément à la surface de la Lune, sans compter qu'un chronométrage minutieux pouvait être mis en oeuvre pour connaître avec précision le moment de l'impact. Neuf expériences d'impacts contrôlés furent ainsi effectuées. Des géophones, similaires à des sismomètres et équipés de sources explosives, furent également embarqués lors des missions Apollo 14, 16 et 17.

    Bilan des observations lunaires

    Site du crash du troisième étage (S-IVB) de la fusée Saturne V de la mission Apollo 16 (© LRO/NASA).Package géophysique ALSEP déployé par la mission Apollo 15 sur la lune (© NASA).

    Les premières expérimentations de sismologie planétaire menées sur la surface grise et poussiéreuse de notre satellite permirent d'abord de comprendre combien notre planète, la Terre, est un monde bruyant.

    Sans atmosphère et donc sans phénomènes météorologiques, sans océan dont la surface est en permanence agitée par le ressac, sans villes, autoroutes et métro souterrain, la Lune est un monde où règne un silence presque absolu. Là-haut, rien ou presque ne vient troubler les sismomètres, qui peuvent alors mesurer des mouvements infimes du sol, qui seraient absolument impossibles à caractériser sur Terre.

    Durant toute la période de mesures, le réseau sismologique lunaire permis d'enregistrer un peu moins de 2000 impacts de météorites de taille diverse et plus de 10 000 séismes. La plupart des séismes qui ont secoué la lune étaient d'origine profonde, avec un foyer situé entre 800 et 1000 kilomètres de profondeur, et de faible magnitude (généralement inférieur à 2 sur l'échelle de Richter).

    L'étude de la propagation des ondes sismiques à l'intérieur de la Lune a également permis de caractériser sa structure interne, l'objectif final de toutes les mesures sismiques.

    Comme les autres corps de grande taille du système solaire, la Lune n'est pas une sphère homogène, mais possède une structure différenciée, avec une croûte rocheuse trois fois plus épaisse que celle de la Terre, un manteau et un noyau métallique. Bien qu'ayant un diamètre assez petit, moins de 450 kilomètres, la partie externe du noyau lunaire est encore liquide. Elle entoure une graine solide. La faible atténuation des ondes sismiques traversant le manteau laisse penser que ce dernier doit être froid et sec (faible teneur en eau).

    La lune a permis de confirmer tout le potentiel de la sismologie pour l'étude des planètes du système solaire, et les surprises que notre satellite a réservé aux géophysiciens, comme la diffraction des ondes sismiques par le régolite, zone fortement fracturée de la croûte lunaire, laisse augurer bien des découvertes inattendues sur les autres terres du ciel, et en particulier sur la planète rouge, Mars.

    Dernière mise à jour : 18 septembre 2017

 

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