Vénus
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Les mesures d'activité sismique sur Vénus représentent un défi considérable
Si l'exercice qui consiste à acquérir des signaux sismiques sur Mars est déjà extrêmement difficile, c'est encore pire sur Vénus. Non contente d'être calcinée par une température de 460°C, la surface est également écrasée sous une atmosphère très dense, qui exerce une pression de 90 bars, soit 90 fois la pression atmosphérique terrestre, ou plus que la pression ressentie sous 900 mètres d'eau sur Terre. Dans ces conditions infernales, les engins spatiaux ne tiennent que quelques heures.
Sœurs jumelles
La planète Vénus et la planète Terre pourraient presque être considérées comme deux sœurs jumelles. Toutes les deux font pratiquement le même diamètre, et possèdent une masse similaire. Pourtant, en y regardant de plus près, ces astres présentent des différences flagrantes, que n'expliquent pas la plus grande proximité de Vénus avec notre étoile le soleil.
Jugez plutôt : à la surface de Vénus, la température atteint la valeur record de 460°C. Ces conditions infernales s'expliquent par une atmosphère très épaisse et suffocante constituée en majorité de dioxyde de carbone, plus de 90 bars. L'effet de serre donne donc naissance à des températures infernales.
Autre différence majeure, l'absence complète d'eau. Notre Terre renfermerait environ 100 000 fois d'eau que Vénus. L'eau jouant un rôle critique dans la mise en place du phénomène de tectonique de plaques, l’extrême aridité de Vénus expliquerait pourquoi ce mécanisme ne s'est pas activé, alors même que la planète dispose d'une grande réserve de chaleur interne, dissipée par les nombreux édifices volcaniques qui ponctuent sa surface brûlée.
Comme si cela ne suffisait pas, Vénus ne tourne pas dans le même sens que les autres planètes du système solaire, et sa rotation est de plus extrêmement lente. Aucun satellite ne l'accompagne dans son parcours autour du soleil, alors que la Terre en possède un massif, la Lune, et la planète Mars deux petits. Enfin, et c'est très étrange, Vénus ne possède aucun champ magnétique.
Mesures sismiques
Au vu des conditions dantesques qui règnent à la surface de Vénus, les tentatives visant à mesurer une éventuelle activité sismique relèvent presque de l'impossible. Pour l'instant, seuls les soviétiques s'y sont essayés. En 1982, les sondes Venera 13 et Venera 14 sont parvenues à se poser sur Vénus, mais n'ont pu survivre que quelques heures dans l'enfer vénusien.
Si les sondes Venera sont surtout connues pour les magnifiques et inquiétantes images couleur qu'elles ont renvoyées du sol, elles embarquaient également un instrument, Groza 2, qui combinait un microphone avec un sismomètre rudimentaire, doté d'un seul axe et qui permettait de mesurer les déplacements de la surface dans l'axe vertical avec une précision d'un micron.
Posé sur un anneau qui entourait la sonde et qui était en contact avec le sol, le couplage du sismomètre Groza 2 avec la surface était imparfait. La très faible durée de vie des deux stations était également un inconvénient majeur pour la mesure d'une activité sismique. Avec des chances de survie qui se comptaient en heure, l'objectif est surtout ici de pouvoir déterminer le bruit de fond, ainsi qu'une éventuelle activité micro-sismique.
Groza 2 parvint à renvoyer des données vers la Terre, mais leur interprétation fut, comme pour les sondes Viking, compliquée par des perturbations extérieures (petits cailloux soulevés par les vents qui soufflaient malheureusement très forts lors de l'atterrissage), ou provenant de la sonde elle-même (dilatations et craquements des matériaux sous l'effet de la chaleur et de la pression). La validité des mesures fut donc mise en doute, et aucun résultat probant ne put être obtenu.
Projets futurs
La divergence spectaculaire de destinée qui existe entre Vénus et la Terre, deux astres formés dans des conditions similaires et qui pourtant ont donné naissance à deux mondes radicalement différents, l'un étant un enfer irrespirable et l'autre un paradis, fascine les planétologues. Il ne fait aucun doute que les réponses aux énigmes posées par la formation et l'évolution de Vénus sont conservées dans les profondeurs de la planète, et que pour explorer ces dernières, l'outil sismologique est là encore une fois indispensable.
En l'absence de tectonique de plaque, phénomène responsable sur Terre de la majorité des séismes, on peut logiquement se demander, comme c'est le cas pour Mars, si une activité sismique persiste toujours sur Vénus. La jeunesse relative de la surface vénusienne (un milliard d'années en moyenne, soit un âge plus récent que celui de la croûte de la Lune, de Mars ou de Mercure), l'existence d'édifices volcaniques aux formes étranges ainsi que la présence de structures tectoniques comme des rifts et des failles laissent penser que le sol doit forcément trembler, certes pas autant que sur la Terre, mais plus souvent que sur Mars.
Tout le défi consiste donc à aller mesurer cette activité sismique. La mise au point de capteurs de mouvement ou de déplacement similaires, en termes de performance, aux pendules du sismomètre SEIS de la sonde martienne InSight, et capable de fonctionner dans les conditions infernales qui caractérisent la surface vénusienne pendant plusieurs années, demanderait de nombreuses années de travaux aux ingénieurs, si ce n'est plusieurs décennies.
Il existe cependant des alternatives efficaces pour tenter d'arracher à Vénus les secrets de sa structure interne. L'atmosphère très épaisse qui ceinture la planète permet un couplage très efficace avec le sol. Lors d'un séisme, les secousses du sol se transmettent à l'air et génèrent des fronts d'ondes infrasoniques, inaudibles pour l'homme mais détectables par des instruments adéquats, qui pourraient être embarqués dans la nacelle de ballons-sondes. Ces derniers évolueraient à des altitudes où les températures et les pressions deviennent enfin clémentes.
Les observations conduites depuis l'orbite constituent une autre solution. L'interaction des ondes infrasoniques avec la haute atmosphère, en particulier la couche ionisée que l'on nomme ionosphère, pourraient être mesurées et suivies depuis l'espace par des satellites.
Reste qu'à l'heure actuelle tous les projets de sondages sismiques de Vénus n'existent que sur le papier. Dans le domaine de la sismologie planétaire, la mission InSight, dont l'objectif consiste à déposer un sismomètre ultrasensible sur Mars, constitue la tentative la plus audacieuse jamais lancée. Elle sera suivie avec une attention toute particulière par les géophysiciens qui s'intéressent à la Lune et à Vénus. Les leçons qu'elle va nous permettre de tirer serviront sans doute un jour à retourner sur la Lune ou à explorer l'intérieur de cette planète à la fois si familière et énigmatique qu'est Vénus.
Dernière mise à jour : 25 octobre 2016
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Les mesures d'activité sismique sur Vénus représentent un défi considérable
Si l'exercice qui consiste à acquérir des signaux sismiques sur Mars est déjà extrêmement difficile, c'est encore pire sur Vénus. Non contente d'être calcinée par une température de 460°C, la surface est également écrasée sous une atmosphère très dense, qui exerce une pression de 90 bars, soit 90 fois la pression atmosphérique terrestre, ou plus que la pression ressentie sous 900 mètres d'eau sur Terre. Dans ces conditions infernales, les engins spatiaux ne tiennent que quelques heures.
Sœurs jumelles
La planète Vénus et la planète Terre pourraient presque être considérées comme deux sœurs jumelles. Toutes les deux font pratiquement le même diamètre, et possèdent une masse similaire. Pourtant, en y regardant de plus près, ces astres présentent des différences flagrantes, que n'expliquent pas la plus grande proximité de Vénus avec notre étoile le soleil.
Jugez plutôt : à la surface de Vénus, la température atteint la valeur record de 460°C. Ces conditions infernales s'expliquent par une atmosphère très épaisse et suffocante constituée en majorité de dioxyde de carbone, plus de 90 bars. L'effet de serre donne donc naissance à des températures infernales.
Autre différence majeure, l'absence complète d'eau. Notre Terre renfermerait environ 100 000 fois d'eau que Vénus. L'eau jouant un rôle critique dans la mise en place du phénomène de tectonique de plaques, l’extrême aridité de Vénus expliquerait pourquoi ce mécanisme ne s'est pas activé, alors même que la planète dispose d'une grande réserve de chaleur interne, dissipée par les nombreux édifices volcaniques qui ponctuent sa surface brûlée.
Comme si cela ne suffisait pas, Vénus ne tourne pas dans le même sens que les autres planètes du système solaire, et sa rotation est de plus extrêmement lente. Aucun satellite ne l'accompagne dans son parcours autour du soleil, alors que la Terre en possède un massif, la Lune, et la planète Mars deux petits. Enfin, et c'est très étrange, Vénus ne possède aucun champ magnétique.
Mesures sismiques
Au vu des conditions dantesques qui règnent à la surface de Vénus, les tentatives visant à mesurer une éventuelle activité sismique relèvent presque de l'impossible. Pour l'instant, seuls les soviétiques s'y sont essayés. En 1982, les sondes Venera 13 et Venera 14 sont parvenues à se poser sur Vénus, mais n'ont pu survivre que quelques heures dans l'enfer vénusien.
Si les sondes Venera sont surtout connues pour les magnifiques et inquiétantes images couleur qu'elles ont renvoyées du sol, elles embarquaient également un instrument, Groza 2, qui combinait un microphone avec un sismomètre rudimentaire, doté d'un seul axe et qui permettait de mesurer les déplacements de la surface dans l'axe vertical avec une précision d'un micron.
Posé sur un anneau qui entourait la sonde et qui était en contact avec le sol, le couplage du sismomètre Groza 2 avec la surface était imparfait. La très faible durée de vie des deux stations était également un inconvénient majeur pour la mesure d'une activité sismique. Avec des chances de survie qui se comptaient en heure, l'objectif est surtout ici de pouvoir déterminer le bruit de fond, ainsi qu'une éventuelle activité micro-sismique.
Groza 2 parvint à renvoyer des données vers la Terre, mais leur interprétation fut, comme pour les sondes Viking, compliquée par des perturbations extérieures (petits cailloux soulevés par les vents qui soufflaient malheureusement très forts lors de l'atterrissage), ou provenant de la sonde elle-même (dilatations et craquements des matériaux sous l'effet de la chaleur et de la pression). La validité des mesures fut donc mise en doute, et aucun résultat probant ne put être obtenu.
Projets futurs
La divergence spectaculaire de destinée qui existe entre Vénus et la Terre, deux astres formés dans des conditions similaires et qui pourtant ont donné naissance à deux mondes radicalement différents, l'un étant un enfer irrespirable et l'autre un paradis, fascine les planétologues. Il ne fait aucun doute que les réponses aux énigmes posées par la formation et l'évolution de Vénus sont conservées dans les profondeurs de la planète, et que pour explorer ces dernières, l'outil sismologique est là encore une fois indispensable.
En l'absence de tectonique de plaque, phénomène responsable sur Terre de la majorité des séismes, on peut logiquement se demander, comme c'est le cas pour Mars, si une activité sismique persiste toujours sur Vénus. La jeunesse relative de la surface vénusienne (un milliard d'années en moyenne, soit un âge plus récent que celui de la croûte de la Lune, de Mars ou de Mercure), l'existence d'édifices volcaniques aux formes étranges ainsi que la présence de structures tectoniques comme des rifts et des failles laissent penser que le sol doit forcément trembler, certes pas autant que sur la Terre, mais plus souvent que sur Mars.
Tout le défi consiste donc à aller mesurer cette activité sismique. La mise au point de capteurs de mouvement ou de déplacement similaires, en termes de performance, aux pendules du sismomètre SEIS de la sonde martienne InSight, et capable de fonctionner dans les conditions infernales qui caractérisent la surface vénusienne pendant plusieurs années, demanderait de nombreuses années de travaux aux ingénieurs, si ce n'est plusieurs décennies.
Il existe cependant des alternatives efficaces pour tenter d'arracher à Vénus les secrets de sa structure interne. L'atmosphère très épaisse qui ceinture la planète permet un couplage très efficace avec le sol. Lors d'un séisme, les secousses du sol se transmettent à l'air et génèrent des fronts d'ondes infrasoniques, inaudibles pour l'homme mais détectables par des instruments adéquats, qui pourraient être embarqués dans la nacelle de ballons-sondes. Ces derniers évolueraient à des altitudes où les températures et les pressions deviennent enfin clémentes.
Les observations conduites depuis l'orbite constituent une autre solution. L'interaction des ondes infrasoniques avec la haute atmosphère, en particulier la couche ionisée que l'on nomme ionosphère, pourraient être mesurées et suivies depuis l'espace par des satellites.
Reste qu'à l'heure actuelle tous les projets de sondages sismiques de Vénus n'existent que sur le papier. Dans le domaine de la sismologie planétaire, la mission InSight, dont l'objectif consiste à déposer un sismomètre ultrasensible sur Mars, constitue la tentative la plus audacieuse jamais lancée. Elle sera suivie avec une attention toute particulière par les géophysiciens qui s'intéressent à la Lune et à Vénus. Les leçons qu'elle va nous permettre de tirer serviront sans doute un jour à retourner sur la Lune ou à explorer l'intérieur de cette planète à la fois si familière et énigmatique qu'est Vénus.
Dernière mise à jour : 25 octobre 2016