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Présentation générale de la planète Mars

Mars, une planète froide et aride dont le destin est une énigme

Comparaison entre la planète Terre et Mars (© NASA)La planète Terre et la planète Mars vues depuis l'espace. Le diamètre de Mars est deux fois plus petit que celui de la Terre et sa surface est entièrement solide (© NASA).

Mars est la quatrième planète du système solaire. Elle circule sur une orbite elliptique à une distance moyenne de 228 millions de kilomètres, et fait le tour du Soleil en deux années terrestres. Si l'année martienne est donc deux fois plus longue que l'année terrestre, la durée du jour est sensiblement la même que celle que nous connaissons.

Comme la Terre, Mars est soumise au cycle des saisons, son axe de rotation étant très similaire à celui de notre planète. En comparant les deux astres, d'autres similitudes peuvent accrocher le regard, comme l'existence de calottes glaciaires au pôle nord et au pôle sud, calottes que l'on peut facilement observer même avec un petit télescope.

Pourtant, les similarités s'arrêtent là, et quand on y regarde de près, des différences flagrantes apparaissent. La première, la plus marquante, est sans doute la taille. Avec un diamètre moyen de 6 770 kilomètres, la planète rouge est deux fois plus petite que la Terre. Cette petitesse confère à Mars une masse dix fois inférieure à celle de notre monde, et un champ de gravité trois fois moins important. Cette différence de gravité est d'ailleurs un facteur de complication quand il s'agit de mettre au point un sismomètre martien, et de le tester sur Terre.

La planète Mars photographiée par le télescope spatial Hubble (© NASA , J. Bell and M. Wolff)La planète Mars photographiée par le télescope spatial Hubble (© NASA , J. Bell and M. Wolff).

Vue de l'espace, les deux planètes dévoilent une autre différence majeure : leurs couleurs. La Terre est un magnifique globe bleu et vert marbré de brun et de blanc, tandis que la planète Mars s'affiche dans des tons rouges et ocres. Contrairement à la Terre, recouverte à 70 % par des océans, Mars est un désert à l'échelle planétaire, un astre dont la surface, rocheuse et oxydée, s'étale à perte de vue sous un ciel blafard.

Phobos et Deimos, les deux compagnons de Mars

Alors que la Terre a la chance d'être accompagné dans sa course autour du soleil par un satellite massif, la Lune, Mars ne possède que deux très petits compagnons, Phobos et Deimos.

S'il est actuellement considéré, de manière consensuelle, que la Lune s'est assemblée à partir de matériaux terrestres, éjectés dans l'espace suite à une collision titanesque avec une protoplanète géante il y a des milliards d'années, l'origine des deux satellites de la planète rouge fait encore débat. Une explication privilégie une collision similaire à celle qui fut à l'origine du système Terre-Lune, tandis qu'un autre scénario considère que Phobos et Deimos sont deux petits astéroïdes, capturés par l'attraction gravitationnelle de Mars. Ces astéroïdes ont ensuite évolué vers une orbite quasi-circulaire et alignée avec l'équateur de la planète.

D'une longueur de 27 kilomètres, Phobos est suffisamment proche de Mars pour soulever de manière infinitésimale et périodique la surface de la planète par attraction gravitationnelle. Il s'agit d'un phénomène de marées, qui serait plus spectaculaire si la planète rouge possédait des océans. Le sismomètre SEIS de la sonde InSight tentera de mesurer l'effet attractif de Phobos, et utilisera les données collectées pour sonder l'intérieur de la planète Mars jusqu'au noyau.

Dans quelques dizaines de millions d'années, les forces de marées auront raison de Phobos, qui se disloquera en une multitude de fragments de toutes tailles. Ceux-ci pourraient éventuellement s'assembler sous la forme d'un disque et former un bel anneau autour de la planète rouge.

La grande dichotomie

L'étude topographique de Mars, rendue possible par l'analyse des images obtenues depuis l'orbite et, plus récemment, par la réalisation de mesures altimétriques laser, montre que les hémisphères Nord et Sud sont très différents. C'est l'une des caractéristiques les plus remarquables de la planète.

Au sud se trouvent des hauts plateaux très cratérisés, et donc très vieux. Avec des âges qui peuvent facilement atteindre 4 milliard d'années, les roches exposées au niveau de l'hémisphère Sud sont bien plus anciennes, et bien mieux conservées, que les roches les plus vieilles que l'on peut trouver sur Terre. En l'absence de tectonique des plaques, un mécanisme qui modifie de manière irréversible les matériaux rocheux, l'hémisphère Sud de Mars est un véritable musée à ciel ouvert.

dichotomie smallLa grande dichotomie martienne : la planète Mars est littéralement scindée en deux hémisphères distincts : au Sud, des hauts plateaux cratérisés et anciens, et au Nord, des plaines bien plus jeunes (© NASA).

Au nord, la situation est bien différente : nous trouvons plutôt des plaines basses, dont la surface, bien plus jeune, n'est marquée que ponctuellement par des cratères d'impact, moins nombreux et plus petits.

Les planétologues appellent cette dissymétrie entre le Nord et le Sud, qui n'a pas d'équivalent sur Terre, la grande dichotomie martienne.

Son origine demeure aujourd'hui encore une question brûlante. Deux hypothèses ont été principalement avancées. La première implique un choc titanesque avec une protoplanète au cours des premiers âges du système solaire. La collision aurait littéralement enfoncé l'hémisphère Nord, en amincissant la croûte et en ouvrant un nombre considérable de fractures, par lesquelles de la lave se serait épanchée, en rajeunissant la surface, c'est à dire en recouvrant les terrains plus anciens et en faisant disparaître les cratères d'impact.

La seconde hypothèse met un jeu un phénomène non pas externe, comme un impact massif, mais un phénomène interne, propre à la planète Mars. Il est possible que le manteau de Mars ait été hétérogène, et que sous l'hémisphère nord, un immense panache de matériaux en fusion, ou une activité convective importante, se soit mise en place, conduisant à un affaissement de l'écorce et à l'émission de gigantesques flots de lave en surface. L'origine d'une telle agitation, localisée spécifiquement sous l'hémisphère Nord, est inconnue. En atterrissant à proximité de la limite entre les hautes et anciennes terres du Sud et les jeunes plaines du Nord, la sonde InSight pourra peut-être lever un coin du voile qui entoure le mystère de la dichotomie martienne.

Un monde glacé, entouré d'une fine atmosphère irrespirable

L'atmosphère martienne (vue ici par la tranche) est très ténue et irrespirable (© NASA)L'atmosphère martienne (vue ici par la tranche) est très ténue et irrespirable (© NASA).

Des études toujours plus poussées, grâce notamment aux missions spatiales mais aussi à l'analyse de météorites martiennes tombées sur Terre, continuent de révéler la nature extraterrestre de la planète rouge.

Contrairement à la Terre, ce monde ne possède plus aucun champ magnétique, et c'est sans doute la disparition de ce bouclier protecteur, sans lequel nous ne pourrions vivre sur Terre, qui est la cause de la disparition presque complète de l'atmosphère martienne.

Aujourd'hui, Mars n'est plus enveloppée que par une couche très ténue d'air irrespirable, composé presque exclusivement de dioxyde de carbone (CO2). Etant donné sa finesse, l'atmosphère est incapable de retenir la chaleur apportée par le Soleil, ce qui explique que la surface de Mars soit glacée. La température moyenne est de -53°C, et entre le jour et la nuit, les contrastes sont immenses. Si, à midi à l'équateur en plein été, la température peut frôler les 0°C,  la nuit voici qu'elle plonge facilement à -70°C. Ces énormes variations de température compliquent très fortement les mesures sismiques, sachant qu'idéalement, les sismomètres devraient fonctionner dans des environnements où la température est la plus stable possible.

Glace d'eau à l'intérieur d'un cratère d'impact (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum)Glace d'eau à l'intérieur d'un cratère d'impact (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum).

Les températures très basses, ainsi que la valeur très faible de la pression atmosphérique, interdisent à l'eau d'exister à l'état liquide sur Mars.

Cette molécule, qui a joué des rôles centraux dans l'histoire de la Terre, à la fois du point de vue géologique (tectonique des plaques) et biologique, ne peut donc se trouver à la surface de Mars qu'à l'état de vapeur d'eau dans l'air, ou sous forme de glace.

Si les calottes polaires renferment bien de grandes quantités de glace d'eau, tout comme le sol des hautes latitudes, il est plus que probable que des quantités considérables se soient échappées dans l'espace, sans doute suite à la disparition du champ magnétique, et à cause d'un champ de gravité faible, lié à la petite taille de la planète.

Des traces d'écoulement d'eau liquide

L'étude des reliefs martiens montre pourtant la présence, sur des terrains anciens, de deux types de formation qui semblent avoir été façonnés par des écoulements d'eau liquide. Le premier, sortes de lits de rivières, ressemble de façon frappante aux tracés des cours d'eau qui méandrent au fond de nos vallées terrestres. Ces réseaux de vallées pourraient bien avoir été creusés par le ruissellement d'eau de pluie.

Le second type de traces d'écoulement est encore plus stupéfiant : il s'agit de ravines immenses, qui prennent souvent naissance dans des terrains chaotiques, d'immenses étendues de la surface martienne qui semblent s'être effondrées sur elles-mêmes, laissant derrière elle un labyrinthe infranchissable composé de blocs rocheux de toutes tailles, jetés les uns contre les autres.

Cratère et chenaux d'écoulement dans la région d'Hephaestus Fossae (ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum)Cratère et chenaux d'écoulement dans la région d'Hephaestus Fossae (ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum).

Dans ces régions, tout semble indiquer qu'une quantité invraisemblable d'eau a été libérée, provoquant l'affaissement des terrains environnants. Un flot infernal, charriant des blocs rocheux haut de plusieurs étages et des icebergs aux arêtes tranchantes a apparemment déferlé en surface, raclant, griffant et arrachant le socle rocheux, dévastant tout sur son passage. Les cicatrices hideuses, appelées vallées de débâcle, que l'on observe encore aujourd'hui sur Mars ne donnent qu'une petite idée de la violence de ces tsunamis martiens, qui ont littéralement décapé des secteurs entiers de la planète.

Force est donc de constater que dans un lointain passé, et contrairement à ce que l'on observe maintenant, l'eau liquide semble avoir joué un rôle très important dans le façonnage des reliefs martiens. Quelque chose de radical s'est donc produit dans l'histoire de Mars qui a mis fin à ces phénomènes.

Un monde où l'atmosphère peut geler

Formations esthétiques dues à la sublimation de la glace sèche de dioxyde de carbone au niveau de la calotte polaire sud lors du dégel du printemps (© NASA/JPL/University of Arizona)Formations esthétiques dues à la sublimation de la glace sèche de dioxyde de carbone au niveau de la calotte polaire sud lors du dégel du printemps (© NASA/JPL/University of Arizona).Une autre conséquence des températures glaciales qui règnent sur Mars est de donner de l'importance à une molécule qui sur Terre, n'existe qu'à l'état gazeux dans l'air : le dioxyde de carbone.

Sur la planète rouge, cette molécule forme non seulement le principal composant de l'atmosphère, mais elle peut également prendre en masse pour former de la glace sèche, ou glace carbonique. En hiver, quand les températures atteignent les -120°C, une partie significative de l'atmosphère se solidifie ainsi au niveau des calottes. L'encroûtement de glace sèche qui se forme alors donne naissance à des reliefs aux formes étranges et envoûtantes, totalement inconnues sur Terre. Leur inquiétante beauté fascine déjà depuis l'orbite, et l'on ne peut que rêver de ce qu'il serait possible d'apercevoir depuis le sol.

Sur Mars, dans certaines conditions, le dioxyde de carbone pourrait aussi se liquéfier, et donner naissance à des écoulements dont les comportements seraient bien différents de ceux auxquels l'eau nous a habitués sur Terre. Pour certains scientifiques, le dioxyde de carbone a donc joué un grand rôle sur Mars. C'est lui, et non l'eau liquide, qui serait impliqué dans la formation de certaines traces d'écoulement observées depuis l'orbite.Une dune de sable noir photographiée par le rover Curiosity à l'intérieur du cratère d'impact Gale (© NASA/JPL-Caltech/MSSS)Une dune de sable noir photographiée par le rover Curiosity à l'intérieur du cratère d'impact Gale (© NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Activité de surface

Si l'on jette un oeil à l'activité de surface, on découvre vite que le principal phénomène encore actif sur Mars n'est autre que le vent, qui circule tout autour du globe en soulevant une poussière très fine. Oxydée et dotés de propriétés magnétiques, celle-ci recouvre la surface comme un linceul rougeâtre, et donne à l'astre sa couleur caractéristique.

Contrairement à l'écorce terrestre, dont les fragments ne cessent de s'écarter et de s'entrechoquer depuis des milliards d'années par le jeu de la tectonique de plaques, qui modifie en permanence la forme et la découpe des continents, Mars apparaît comme un monde mort, à la géologie figée pour l'éternité.

Volcans et canyons géants

Le volcan Olympus Mons mesure 26 kilomètres de haut. Sa taille est si importante qu'il recouvrirait la France entière (© NASA)Le volcan Olympus Mons mesure 25 kilomètres de haut. Sa taille est si importante qu'il recouvrirait la France métropolitaine (© NASA).

Malgré des décennies d'observation, aucune éruption ou épanchement de coulée de lave n'a encore été détectée en direct à la surface de Mars. L'astre ne manque pourtant pas de bouches volcaniques. Avec ses 25 kilomètres de hauteur, le volcan Olympus Mons est ainsi l'un des plus élevés du système solaire.

La surface martienne porte aussi les cicatrices d'immenses déchirures de la croûte, l'exemple le plus flagrant étant les abîmes du gigantesque canyon de Valles Marineris. D'une longueur de 4000 kilomètres, ce système de gouffres s'étend sur l'équateur et entaille l'écorce jusqu'à la profondeur respectable de 10 kilomètres. 

Pourtant, en dépit de ces témoignages passés d'une vie géologique agitée, plus rien aujourd'hui ne semble bouger. Une situation qui rend d'autant plus nécessaire la dépose d'un sismomètre sur place. La réalisation de mesures sismiques offrira effectivement la possibilité de prendre pour la première fois le pouls de la planète, et de déterminer si quelque chose s'agite encore dans ses entrailles.

Le déclin de Mars, son incapacité à maintenir une activité géologique sur des milliards d'années, tient en partie dans l'absence de tectonique de plaques. Sur Terre, c'est ce mécanisme planétaire, au coeur duquel l'eau semble jouer un rôle essentiel, qui est responsable du dynamisme géologique de notre monde. Surrection de chaînes de montagne, activité volcanique débridée (que ce soit au fond des océans ou à l'air libre,) où tremblements de terre tant redoutés, tous ces phénomènes sont directement reliés à la tectonique de plaques. Sur Mars, ce mécanisme ne semble pas s'être mis en route, où alors il s'est arrêté précocement.

La jeune Mars

Une avalanche à proximité de la calotte polaire nord (© NASA/JPL/University of Arizona)Une avalanche à proximité de la calotte polaire nord (© NASA/JPL/University of Arizona).

Même si la communauté scientifique continue de débattre du visage qu'offrait la planète rouge primitive, il y a de cela des milliards d'années, il semble de plus en plus probable que la jeune Mars était une cousine de la Terre.

Formée dans un secteur similaire du système solaire, les deux astres ont pris corps en accrétant les mêmes matériaux, dont d'immenses quantités d'eau.

La chaleur provenant de l'intérieur planétaire a alimenté des volcans, d'où sont sortis des flots de lave et des quantités invraisemblables de gaz, qui ont fini par former une atmosphère épaisse.

Au centre de la planète, des métaux en fusion ont formé un noyau métallique bientôt animé par des mouvements de convection qui ont généré un champ magnétique protecteur. Ce bouclier de lignes de forces invisibles a entouré la planète, bloquant l'action érosive du vent solaire, et protégeant la jeune atmosphère. En surface, les températures étaient compatibles avec la condensation d'eau liquide. À force de ruissellements, celle-ci a bientôt formé des lacs (par exemple à l'intérieur des cratères d'impact), des mers et peut-être même des océans.

Carte des anomalies magnétiques crustales martiennes (© Connerney, J.E.P. et al., (2005) Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 102, N°42, 14970-14975)Carte des anomalies magnétiques crustales martiennes : un champ magnétique rémanent, témoin de l'activité d'une dynamo au tout début de l'histoire de Mars, est présent au niveau de l'hémisphère Sud. Son activité diminue clairement sur les terres du Nord (© Connerney, J.E.P. et al., (2005) Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 102, N°42, 14970-14975).

Grâce aux nombreuses sondes actuellement en orbite et aux rovers qui arpentent la surface de la planète, notre connaissance continue de faire des bonds en avant. Des reliques de l'ancien champ magnétique ont ainsi été découvertes par le magnétomètre embarqué sur la mission Mars Global Surveyor. Les observations de cet instrument ont montré qu'au niveau des roches les plus anciennes de la planète, dans l'hémisphère sud, certains minéraux riches en fer ont conservé des traces fossiles du champ magnétique qui englobait Mars au tout début de son existence. Au niveau de l'hémisphère nord, là où les roches sont plus jeunes, la magnétisation de la croûte est beaucoup moins développée, ce qui est cohérent avec une disparition précoce du champ magnétique d'origine interne.

Dans les dernières années, profitant du développement de spectromètres infrarouges sophistiquées, les planétologues ont commencé à détecter au niveau des plus anciens terrains de la planète des concentrations de minéraux qui ne peuvent se former qu'en présence d'eau. C'est ainsi que de l'hématite grise a été détectée d'abord depuis l'orbite, puis ensuite directement au sol, grâce au travail d'investigation d'un rover. Des roches sulfatées, déposées par la percolation d'eaux acides chargées en soufre, ont ensuite été mises en évidence. Plus intéressant encore, des dépôts argileux, formés par sédimentation dans des étendues d'eau légèrement alcalines, et plus anciens que les lits de sulfates, ont été repérés à plusieurs endroits de la surface. Après son atterrissage en août 2012 dans le cratère d'impact Gale, le rover Curiosity se rendit rapidement compte qu'il roulait sur le fond d'un ancien lac !

Des nappes de brouillard stagnent dans les gouffres de Valles Marineris (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum)Des nappes de brouillard stagnent dans les gouffres de Valles Marineris (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum).

Histoire d'une agonie planétaire

L'histoire de Mars semble donc s'être déroulée en trois étapes. Jusqu'à environ 3,9 milliard d'années, la planète a sans doute été un monde chaud et humide, avec un bouclier magnétique protecteur global, une atmosphère épaisse, un cycle de l'eau où des pluies alimentaient des rivières qui se jetaient dans des mers, et une activité volcanique vigoureuse. Nommé noachien, cette période idyllique, digne d'une carte postale, s'est en particulier distinguée par la mise en place d'épais dépôts argileux. Hélas, elle n'allait pas durer.

Pour une raison inconnue, le champ magnétique qui entourait la planète se désactiva, ce qui livra la planète pieds et points liées au vent solaire et à son action érosive. Au début, l'activité volcanique, dont l'intensité ne cessait d'augmenter, injectait d'immenses quantités de gaz dans l'atmosphère, régénérant l'air qui s'évanouissait dans l'espace sans possibilité de retour. Les rejets gazeux volcaniques étant très riches en soufre, la planète commença à s'acidifier. Les argiles furent remplacées par des dépôts sulfatés, qui sont caractéristiques de cette période que l'on nomme hespérien.

En perdant son champ magnétique, la planète Mars s'était engagée dans une voie irréversible, qui allait la conduire tout droit vers une mort géologique. Au fil du temps, la chaleur interne s'est mise à diminuer, ce qui ralentit puis stoppa l'activité volcanique. Non remplacée, l'atmosphère finit par s'amincir tellement qu'elle provoqua une chute brutale des températures, et la planète finit par geler sur place.

A partir de 3,5 milliards d'années, point de départ de la période amazonienne, Mars se mit de plus en plus à ressembler à ce qu'elle est maintenant : un désert planétaire, dont la surface, devenue rougeâtre et oxydée, était battue par les vents. En poussant devant elle des champs de dune de sable, en soulevant des tempêtes de poussière et en permettant à des nuages de glace d'eau ou de dioxyde de carbone de vagabonder dans l'air froid et ténu, l'activité éolienne était devenue le seul phénomène capable d'agir à la surface de Mars.

Traînées noires laissées au sol par des tourbillons de poussière (© NASA/JPL/University of Arizona)
Traînées noires laissées au sol par des tourbillons de poussière (© NASA/JPL/University of Arizona).

Périodiquement, la planète pouvait néanmoins connaître des modifications majeures de son climat. En effet, contrairement à la Terre, Mars ne peut pas s'appuyer sur la présence d'un satellite massif (comme la Lune) pour stabiliser son axe de rotation.

À l'image d'une toupie devenue folle, il arrive parfois que la planète bascule fortement sur son axe de rotation, en pointant l'un de ses pôles en direction du Soleil. Ces inclinaisons erratiques, couplées à une orbite très elliptique qui peut parfois s'allonger ou se raccourcir de façon chaotique, ont enclenché des changements climatiques dramatiques, au cours desquels les calottes polaires se mettaient à fondre, tandis que des lames de glace s'avançaient sur l'équateur actuel.

Les scientifiques ont mis en évidence de nombreux témoignages de ces ères glaciaires, qui ont marqué durement la planète. La dernière aurait eu lieu il y a tout juste 5 millions d'années.

Il ne fait pratiquement aucun doute que la cause de ce destin tourmenté se trouve dans les profondeurs de la planète. La petite taille de l'astre, qui conditionne au final la quantité de chaleur disponible ainsi que la capacité à retenir les gaz légers de l'atmosphère, a sans doute condamné Mars depuis le départ. Mais de nombreuses zones d'ombre demeurent. L'histoire de la formation et de l'évolution de la planète rouge ne pourra pas être contée tant que nous n'aurons pas jeté un oeil à l'intérieur même de la planète, grâce à cette technique essentielle qu'est la sismologie.

Dernière mise à jour : 31 juillet 2017

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