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Une chance tous les 20 ans

La sismologie, parent pauvre de l'exploration martienne

Mars est sans nul doute la planète la plus étudié de tout le système solaire. Depuis le début de la conquête spatiale, pas loin de 50 sondes ont été lancées depuis la Terre en direction de notre voisine cosmique. La plupart d'entre elles ne sont pas parvenues à destination, ou n'ont pas fonctionné comme prévu, mais au fil des décennies, l'Homme est malgré tout parvenu à lever le voile sur bien des aspects de ce globe rouillé et désertique.

Les premiers survols par les sondes américaines Mariner, dans les années 1960, permirent d'obtenir les premières vues rapprochées de la surface martienne, ainsi que des données essentielles sur la pression et la composition de l'atmosphère, très ténue et irrespirable. En 1971, la sonde Mariner 9 parvient à s'insérer en orbite, une position privilégiée qui autorisa une étude globale de l'astre. La mise en évidence de volcans géants, de canyons gigantesques et d'anciens lits de rivière était la promesse de découvertes plus extraordinaires encore, et la mission Viking fut alors mise sur pied. Son objectif avoué : la recherche de traces de vie.

Les sondes Viking, deux orbiteurs et deux atterrisseurs, atteignirent Mars en 1976. A ce jour, la mission Viking demeure l'un des efforts d'exploration les plus ambitieux jamais entrepris par l'homme. Cette mission révolutionna notre connaissance de Mars, mais paradoxalement, mis aussi un terme à la fièvre martienne, du moins provisoirement : les expériences biologiques embarquées sur les atterrisseurs ne retournèrent effectivement aucun résultat concluant.

Caractéristique unique dans l'histoire de l'exploration martienne, les deux atterrisseurs Viking comportaient chacun un sismomètre. Celui de la sonde Viking 1 ne put être déverrouillé et demeurera donc inutilisable, mais celui de Viking 2 fut capable d'enregistrer des données. Hélas, les vents perturbaient tellement l'instrument que les géophysiciens restèrent sur leur faim. Malgré des mois d'observation, aucun signal sismique véritable ne ressortait avec certitude des données collectées.

L'exploration martienne redémarra vraiment en 1996, vingt ans après l'exploit des Viking. Ce fut une année particulièrement faste pour l'agence spatiale américaine. La NASA lança deux missions qui connurent un succès éclatant : la sonde Mars Global Surveyor, qui se plaça en orbite, et la sonde Mars Pathfinder, qui embarquait pour la première fois un rover miniature.

Largage de capsules dans le cadre d'une mission de réseau (© droits réservés)Largage de capsules dans le cadre d'une mission de réseau (© droits réservés)La mission Pathfinder fut en particulier marquée par un engouement médiatique sans précédent, qui prit même de court l'agence spatiale américaine. Grâce au réseau Internet, le monde entier put suivre les premiers tours de roue de la star de la mission, le rover Sojourner. Peu de personnes savent cependant que la mission Pathfinder n'était que la pointe d'un iceberg beaucoup plus ambitieux, MESUR. Ce projet pharaonique aurait du permettre de larguer sur Mars pas moins de 16 stations géophysiques, équipées notamment de capteurs sismiques. Pathfinder avait été à la base conçue comme un démonstrateur technologique pour le projet MESUR, et sa première raison d'être était de déposer non pas un microrover, mais un ... sismomètre.

A cette époque, le sismomètre Optimism, développé à l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), avait d'ailleurs été recommandé par un groupe de revue de sismologues américains. Cette recommandation resta cependant sans suite, en raison de difficultés techniques d'intégration.

Les russes, qui étaient également sur les rangs en 1996, eurent beaucoup moins de chance. L'ambitieuse mission Mars 96, qui comportait un orbiteur, deux stations au sol et deux pénétrateurs, et qui impliquait de nombreux laboratoires européens, retomba dans l'océan  pacifique peu après son lancement.

Ce fut un nouveau revers très sérieux pour la sismologie martienne, car les petites stations autonomes embarquaient notamment le sismomètre large bande Optimism développé à l'IPGP, sur lequel les géophysiciens comptaient beaucoup pour percer les secrets de la structure interne de Mars.

Au fil des ans, plusieurs projets furent mis sur pied pour tenter d'envoyer sur Mars des sismomètres. Le projet franco-américain NetLander, qui consistait à déposer quatre stations d'observation, fut annulé dans les années 2000 alors que les réflexions étaient déjà bien avancées et le projet en fin de phase B.

L'agence spatiale européenne envisagea de placer sur Mars un sismomètre dans le cadre du programme ExoMARS. Remanié à plusieurs reprises pour des raisons techniques et budgétaires, ses objectifs furent revus à la baisse, et les planétologues durent, là encore, se faire une raison avec l'annulation du package géophysique Humboldt.

Pourtant, tout le travail effectué au cours des différents projets, annulés en cours de route, ou des missions ayant échouées, comme Mars 96, ne fut pas perdu pour autant. Le sismomètre SEIS, embarqué sur la sonde InSight et dont le lancement est prévu pour 2018, n'est rien d'autre que le fruit d'un très long héritage, qui remonte des dizaines d'années en arrière.

Quarante années après la première tentative des atterrisseurs Viking, vingt années après l'échec au lancement de la sonde Mars 96, InSight va reprendre le flambeau, et permettre peut être enfin aux géophysiciens de se lancer à la quête des mystères qui gisent depuis des milliards d'années dans les profondeurs impénétrables de la planète rouge. Si l'on regarde en arrière, on s'aperçoit que dans le domaine de la sismologie martienne, nous avons une chance tous les 20 ans environ. C'est beaucoup, et à la fois très peu. Il s'agit de ne pas la rater.

Dernière mise à jour : 26 octobre 2016

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