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Structure interne de Mars (vue globale)
Structure interne de Mars (vue globale)
Structure interne de Mars (vue conique)
Structure interne de Mars (vue globale)
Structure interne de Mars (vue conique)
Structure interne de Mars (vue demi sphère)

L'énigme de la structure interne de Mars

Structure interne de Mars (© NASA)Structure interne de Mars (© NASA).

Contrairement à notre planète, dont la structure interne est bien caractérisée, notre connaissance de l'intérieur des autres astres du système solaire est à ce jour très limitée. Les yeux rivés vers ces terres du ciel, les géophysiciens rêvent de pouvoir, comme ils l'ont fait pour la Terre, illuminer leurs profondeurs. Et pour eux, à cause à la fois de ses similitudes et de ses différences avec le globe terrestre, Mars est un objectif hautement prioritaire.

Pour l'instant, les seules mesures effectuées permettant de placer des contraintes sur la structure de l'intérieur martien se réduisent à la détermination de la masse et du diamètre (ce qui autorise le calcul de la densité) et d'un paramètre que les géophysiciens nomment moment d'inertie. Celui-ci, déterminé grâce à l'étude de la rotation de la planète avec l'aide des sondes posées au sol (voir l'expérimentation RISE d'InSight), donne une idée de la façon dont les masses sont distribuées à l'intérieur d'un globe planétaire.

Les sondes en orbite, sensibles à la nature très subtilement bosselée des globes planétaires et à la distribution inégale des masses (qui modifie l'intensité du champ de gravité), ont tout au plus permis de confirmer que Mars possédait les mêmes enveloppes fondamentales que la Terre, et d'estimer l'épaisseur moyenne de la croûte.

La présence d'un champ magnétique global est généralement un bon indicateur de l'existence d'un noyau métallique liquide soumis à des mouvements de convection. Cependant, dans le cas de Mars (et de Vénus), ce champ est absent.

De nombreuses incertitudes demeurent quand à la structure et à l'activité du manteau martien (© Ana Plesa/DLR).De nombreuses incertitudes demeurent quant à la structure et à l'activité du manteau martien (© Ana Plesa/DLR).Enfin, des fragments de roches éjectés de la surface d'une planète dans l'espace peuvent par chance finir par échouer sur Terre. Si elles sont ramassées et identifiées, ces pierres extra-terrestres (qui sont alors appelées météorites) peuvent fournir de précieux renseignements aux géophysiciens. Les analyses minéralogiques conduites sur les météorites martiennes ont permis d'effectuer des extrapolations sur la nature de la croûte et du manteau. Des apports importants proviennent également des mesures géochimiques effectuées depuis l'orbite par des satellites, ainsi que les analyses in-situ conduites au sol, comme celles du rover Curiosity.

Cependant, malgré les efforts entrepris pour tenter de comprendre ce qui se cache dans les profondeurs de la planète rouge, de très nombreuses inconnues demeurent. Les limites et contraintes imposées par les mesures effectuées jusqu'à présent ne permettent effectivement pas de concevoir un modèle même très simple de l'intérieur de Mars. Les dimensions et la composition exactes des enveloppes internes restent inconnues, car les mesures de gravité ne peuvent pas permettre d'aboutir à un modèle unique de la structure interne. Plusieurs solutions, parfois très différentes l'une de l'autre, sont effectivement capables d'expliquer ou de rester cohérentes avec les mesures réalisées.

L'acquisition de nouvelles informations, par la mise en oeuvre de techniques appropriées au sondage des profondeurs planétaires, comme la sismologie, est donc absolument indispensable pour faire progresser notre connaissance des mécanismes qui gouvernent la formation et l'évolution des planètes.

Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, sur toutes les missions qui se sont posées à ce jour à la surface de Mars, seule l'une d'entres-elles, Viking 2, a permis de placer un sismomètre fonctionnel. Malheureusement, sur toute la durée de fonctionnement de l’instrument, un seul événement a pu être lié à un tremblement de Mars. Cependant, même encore aujourd’hui, 40 ans plus tard, cette hypothèse ne fait pas l’unanimité parmi la communauté scientifique, et le mystère demeure quant à la véritable nature du signal vibratoire alors enregistré.

La structure interne de Mars (© IPGP/David Ducros).La structure interne de Mars : du centre vers la périphérie, on distingue la graine, le noyau externe, le manteau, la croûte et l'atmosphère (© IPGP/David Ducros).

Mars, une planète similaire à la Terre ?

Comme nous l'avons vu dans l'article précédent, la planète Mars possède une structure interne similaire à la Terre : elle est donc organisée en trois couches distinctes : de l'extérieur vers le centre, on trouve une fine croûte rocheuse, un manteau et enfin un noyau métallique.

Les zones d'ombre apparaissent cependant très rapidement quand on tente de définir plus en détails cette structure : quel est la taille du noyau martien, et sa composition ? Est-il entièrement solidifié, encore liquide, ou est-il constitué, comme celui de la Terre, d'une graine solide entourée par une enveloppe liquide ?

Quelle est la composition du manteau martien ? Ce dernier est-il animé de mouvements de convection, ou demeure-t-il au contraire immobile, transférant la chaleur accumulée au centre de la planète vers l'extérieur par simple conduction thermique ? Existe-t-il des discontinuités majeures dans le manteau, liées à des changements significatifs de composition ?

Quant à la croûte, quelle est son épaisseur ? Est-elle homogène, ou au contraire stratifiée (lentilles de glace, alternance de strates sédimentaires et de coulées volcaniques) ? Toutes ces questions et bien d'autres sont fondamentales, car elles sont directement liées aux conditions qui ont présidé à la formation, puis à l'évolution, sur des milliards d'années, de la planète rouge. Le lien est également très fort avec l'habitabilité, c'est à dire la capacité de Mars à accueillir et à soutenir le développement d'êtres vivants.

Séquence d'évolution de la structure interne de Mars (© droits réservés)Une hypothétique séquence d'évolution de la structure interne de Mars (© droits réservés).

La croûte martienne

La première météorite martienne trouvée sur Terre, Chassigny, en 3-D (© IPGP/MNHN).La première météorite martienne trouvée sur Terre, Chassigny, en 3-D (© IPGP/MNHN).

La croûte d'une planète se forme par la fusion du matériel rocheux constituant le manteau supérieur, suivi d'une expulsion vers le haut du liquide magmatique et de sa cristallisation ultérieure par refroidissement.

Dans le détail, les mécanismes de formation des croûtes planétaires sont complexes. C'est ainsi que sur la Terre, la croûte océanique qui constitue le sous-bassement des océans se forme de manière différente de la croûte continentale, qui n'a pas la même composition, et qui est par ailleurs beaucoup plus ancienne.

La croûte martienne aurait une épaisseur variant de 30 à 100 kilomètres suivant les hémisphères, et une épaisseur moyenne de 65 kilomètres, une valeur qui la rapproche plus de la croûte continentale terrestre, alors que sa composition, basaltique plutôt que granitique, est similaire à celle de la croûte océanique terrestre. Grâce aux mesures sismiques, InSight va permettre de mesurer son épaisseur avec une précision de quelques kilomètres, et de mettre en évidence une éventuelle stratification, qui pour l'instant n'a jamais été observée.

Simulation montrant des plumes magmatiques martiennes (© droits réservés)Simulation montrant des plumes magmatiques martiennes (© droits réservés).

Autre différence fondamentale, contrairement à la Terre, dont la surface est découpée en plaques mobiles qui bougent en permanence les unes par rapport aux autres, la croûte martienne semble totalement immobile.

Tout se passe comme si la machinerie géologique en oeuvre sur Mars avait été plus simple que celle de la Terre. La planète rouge serait en effet entourée d'une plaque unique, qui forme une coque externe épaisse et rigide. Mais le mécanisme à l'origine de la formation de cette croûte monolithique demeure pour l'instant inconnu.

Sur cette question, il est possible de considérer plusieurs scénarios de formation, chacun aboutissant à une épaisseur de croûte différente, et à une efficacité particulière par rapport à la capacité de dissipation de la chaleur interne de la planète.

En admettant qu'une tectonique des plaques précoce mais éphémère se soit enclenchée sur Mars (une hypothèse controversée), la croûte martienne serait assez fine, et la planète aurait alors pu évacuer efficacement sa chaleur interne, du moins dans un premier temps.

Second cas de figure, sans fracturation de la surface lithosphérique en plaques mobiles, mais avec une convection des matériaux du manteau, la planète aurait formée une croûte immobile d'épaisseur moyenne. Dans ce modèle, dit du  "couvercle stagnant", la chaleur est évacuée correctement, bien que moins efficacement qu'avec une tectonique des plaques.

Enfin, il existe un troisième cas, qui est lié à l'apparition d'un océan de magma. Peu après son accrétion, la planète Mars était en permanence soumise à des collisions très violentes avec des astéroïdes et des corps de grandes tailles. Chauffés au rouge par l'énergie dégagée, les matériaux rocheux se seraient mis à fondre jusqu'à constituer un océan de magma, dont la profondeur n'est pas connue, mais qui a sans doute concerné une bonne partie de la planète. En refroidissant, cet océan aurait formé une croûte très épaisse, dont il reste peut-être encore des traces sur Mars.

Plus en profondeur, au niveau du manteau, un mécanisme particulier aurait pris place. La partie supérieure du manteau se serait solidifiée, formant des grumeaux de densité plus importante que les matériaux sous-jacents, plus légers. Par nature instables, ces blocs de matière auraient brusquement chuté vers le bas, provoquant la remontée du matériel situé dans les profondeurs, et enclenchant éventuellement une convection en mettant le manteau sens dessus dessous. Dans ce scénario, la croûte, très épaisse, constitue une couche isolante empêchant les échanges de chaleur avec l'extérieur. Une situation problématique, tout à fait capable, comme nous allons le voir plus bas, de faire disparaître le champ magnétique généré par le noyau.

La détermination précise de l'épaisseur de la croûte martienne, ainsi que la mesure du flux thermique actuel permettra de faire le tri entre les différents scénarios. Bien entendu, la réalité est sans doute plus complexe que prévue, et il est tout à fait possible que durant son histoire, qui a débuté il y a 4,5 milliard d'années, la planète Mars soit passée par plusieurs stades, qui se seraient imbriqués les uns dans les autres, et dont le décryptage risque d'être long et délicat.

Le manteau

Module de péridotite dans un basalte terrestre (© IPGP/Philippe Labrot).Module de péridotite dans un basalte terrestre (© IPGP/Philippe Labrot).

Pris en sandwich entre la croûte et le noyau, le manteau martien doit posséder une composition similaire à celui de la Terre, si l'on se réfère à la composition des météorites martiennes qui se sont abîmées sur notre planète. Il serait donc lui aussi formé de roches riches en olivine, les péridotites.

Cependant, de nombreuses questions demeurent quant à sa composition et à sa structure. Ainsi, il pourrait théoriquement accueillir une discontinuité similaire à celle existant entre le manteau supérieur et le manteau inférieur terrestre, avec un changement de phase de l'olivine. Cependant, à cause de la plus petite taille de la planète Mars et d'un champ de gravité réduit, la profondeur du manteau martien n'est peut-être pas suffisante pour permettre à cette discontinuité (absolument fondamentale sur Terre) d'exister.

Des simulations théoriques montrent que le manteau martien devrait toujours être animé de mouvements de convection, la planète Mars ayant encore suffisamment de réserves de chaleur pour alimenter un tel brassage. Cependant, contrairement à la Terre, cette convection n'est peut-être pas parvenue à homogénéiser correctement le matériel mantellique, et il est donc possible que le manteau martien soit constitué de plusieurs poches, ou réservoirs, indépendantes, n'ayant jamais été en contact les unes avec les autres. Là encore, sur ce point, les géophysiciens attendent beaucoup de la mission InSight.

Le manteau est un compartiment qui joue un rôle majeur dans l'évolution d'une planète. En fondant partiellement, le matériel rocheux du manteau donne naissance à des liquides magmatiques, qui s'infiltrent vers le haut, jusqu'à rejoindre la croûte. Là, ils peuvent donner naissance à des phénomènes volcaniques d'ampleur, qui peuvent changer les climats, où autour desquels des formes de vie peuvent apparaître et survivre. De plus, comme nous allons le voir, le manteau, en jouant un rôle d'échangeur de chaleur entre le noyau et l'extérieur, exerce également une influence énorme sur le champ magnétique planétaire.

Un objectif important d'InSight sera donc de préciser l'épaisseur, la composition, ainsi que l'organisation éventuelle en couches du manteau martien.

Noyau et champ magnétique

Tranche de 10 cm de la pallasite Glorieta Mountain (© Luc Labenne / Société Labenne Météorites)Tranche de 10 cm de la pallasite Glorieta Mountain (© Luc Labenne / Société Labenne Météorites).

Aujourd'hui, la planète Mars ne possède plus de champ magnétique global, comme celui qui entoure la Terre.

Les seules mesures effectuées depuis l'orbite par la sonde américaine Mars Global Surveyor ont montré l'existence d'une magnétisation fossile dans les roches de l'hémisphère sud, qui datent de plusieurs milliards d'années, tandis que les roches plus jeunes de l'hémisphère nord ne présentent plus aucune trace d'un champ magnétique rémanent.

Les observations effectuées semblent clairement indiquer que dans un lointain passé, peu après sa formation, Mars devait posséder un champ magnétique global, capable de protéger l'atmosphère de l'abrasion du vent solaire, et contribuant ainsi à la mise en place de conditions climatiques permettant à l'eau liquide de s'écouler. Un tel bouclier magnétique était très certainement généré par un phénomène de dynamo, c'est à dire de convection d'un liquide métallique au sein du noyau. Il y a plus de 4 milliards d'années, le noyau de Mars devait donc être partiellement ou complètement liquide, et le contraste de température existant entre le noyau et le manteau devait être suffisamment fort pour avoir pu activer ces mouvements de convection.

Aujourd'hui, ce champ magnétique a disparu, ce qui indique que quelque chose de dramatique s'est produit au centre de la planète, peu après 4 milliards d'années. A ce stade, nous pouvons nous perdre en conjectures. Il est par exemple possible que la planète se soit refroidie tellement rapidement que le noyau a fini par se figer. La couche liquide s'est mise à cristalliser, jusqu'à devenir tellement fine que les mouvements de convection se sont arrêtés, aboutissant à la disparition définitive du champ magnétique global. Dans ce cas de figure, le noyau martien serait devenu totalement solide. Au vu des données les plus récentes collectées par les satellites en orbite autour de Mars, ce n'est pas le scénario le plus probable. La réponse gravitationnelle de la planète, telle qu'observée par les sondes orbitales, tend effectivement à montrer la présence d'un état liquide. Les enregistrements du sismomètre SEIS embarqué par la mission InSight contribueront à lever cette lancinante incertitude.

Si un refroidissement massif de l'intérieur planétaire peut aboutir à la désactivation de la dynamo martienne, un autre scénario directement opposé est également plausible. Une convection ne peut effectivement se mettre en marche que s'il existe une différence suffisamment importante de température entre d'une part le centre du noyau et d'autre part sa périphérie, sa surface.

La chaleur du noyau doit effectivement être impérativement être évacuée efficacement vers le haut par le manteau pour qu'une convection puisse se mettre en place. A l'opposée, si le manteau cesse soudain de conduire efficacement la chaleur, et qu'il forme une couche isolante, le noyau ne peut plus dissiper sa propre chaleur, et les mouvements de convection qui agitaient le métal en fusion disparaissent alors, et avec eux le champ magnétique global.

Il est donc tout à fait plausible que le noyau martien puisse être totalement ou partiellement liquide, alors même que le champ magnétique a disparu depuis des milliards d'années. La situation est d'autant plus compliquée que le destin du noyau dépend non seulement des propriétés du manteau, mais également de la composition du noyau lui-même.

Découvrez ce qui se trouve à l'intérieur de Mars avec la version française des vidéos "Mars en une minute" du Jet Propulsion Laboratory (© JPL-Caltech/IPGP).

L'étude des météorites ferreuses provenant de la ceinture d'astéroïdes et ramassées sur Terre montrent que les noyaux planétaires sont principalement formés de fer mélangés à une petite quantité de nickel. Ces météorites, aussi incroyable que cela puisse paraître, seraient des fragments de noyaux métalliques de planètes mort-nées, d'astres qui avaient commencé à se former autour du Soleil et qui ont été disloqués par des collisions titanesques. Elles permettent donc de se faire une idée de la composition des noyaux qui gisent au coeur des planètes et qui de part leur position, sont totalement inaccessibles à l'expérience directe humaine.

En plus du fer et du nickel, les noyaux des planètes telluriques comme Mars et la Terre renferment également des traces d'autres éléments, comme le silicium, le soufre ou même l'hydrogène. Bien que minoritaires, ceux-ci pourraient jouer un rôle significatif dans le destin des planètes.

Les modèles géochimiques déduits de l'analyse des météorites originaires de la planète Mars (les SNC) prédisent que le noyau martien est plus riche en soufre que le noyau terrestre. Une quantité significative de cet élément aurait donc migré à l'intérieur de la planète avec le fer en fusion, et ce avec des conséquences majeures. Plus la quantité de soufre est importante, plus le noyau aura tendance à rester liquide, même avec une diminution de la température. Si le noyau martien est très soufré, il est donc possible qu'il soit encore aujourd'hui totalement liquide. Au contraire, avec une teneur en soufre faible, il serait désormais totalement ou presque totalement solidifié, le liquide métallique ayant pris en masse. L'état du noyau martien, solide et/ou liquide, dépend donc de sa composition ainsi que de l'évolution thermique de la planète, c'est à dire de l'histoire de son refroidissement.

La taille du noyau, elle aussi inconnue avec précision, est par contre liée aux conditions dans lesquelles la planète s'est formée. Elle est aussi en lien avec le déroulement de la différenciation, cette phase cruciale de la formation d'une planète où les éléments métalliques très denses se séparent de la matière rocheuse pour chuter au centre de l'astre et s'agglomérer en un noyau. En ce qui concerne ses dimensions, le noyau de Mars mesurerait 1700 kilomètres, mais sa taille réelle n'est pas connue avec exactitude : ce chiffre est estimé à 250 voire 300 kilomètres près. InSight va permettre de réduire cet intervalle d'incertitude au minimum d'un facteur 4.

La planète rouge mesurant 3389 kilomètres de rayon, le noyau occuperait un espace non négligeable de son volume interne, même s'il serait proportionnellement plus petit que celui de la Terre. Cette différence de taille réside probablement dans le fait qu'une partie du fer qui aurait pu rejoindre le noyau serait resté dans le manteau, incorporé dans des minéraux riches en fer.

En parallèle avec les mesures de dimensions, la sonde InSight va également permettre d'évaluer avec une plus grande justesse la densité du noyau, estimée pour l'instant à 7 g/cm(+/- 1 g/cm3), une densité élevée étant associée à un  noyau de faible dimension, afin de conserver la masse totale de la planète.

En permettant aux géophysiciens de déterminer avec précision la taille du noyau martien, son état et sa composition, InSight va donc faire avancer de manière significative nos connaissances sur cette enveloppe fondamentale de la planète rouge, qui porte très certainement en elle la clé du destin si particulier de cet astre mort-né.

Trois modèles de l'évolution de la structure interne de Mars

Trois scénarios d'évolution du noyau martien (© droits réservés)Trois scénarios d'évolution du noyau martien (© droits réservés).

A titre de conclusion, brossons rapidement trois modèles différents de la structure interne de Mars, tous plausibles pour l'instant aux regards des données recueillies jusqu'à aujourd'hui, et qui seront peut-être totalement chamboulés lorsque les premiers résultats du sismomètre SEIS d'InSight parviendront à la Terre.

Le premier modèle met en avant un noyau métallique riche en soufre. Après sa formation, la planète Mars aurait possédé un noyau totalement liquide, animé de mouvements de convection générateurs d'un champ magnétique global. Le manteau était lui aussi animé de mouvements de convection, mais la croûte martienne ne se serait pas fissurée en blocs mobiles, et aucune tectonique des plaques n'aurait donc pris place.

Avec le refroidissement de la planète, la convection du noyau (resté liquide) finit par s'arrêter, ce qui prive la planète Mars de champ magnétique. Au sein du manteau, les mouvements de convection ont pu éventuellement se poursuivre, mais il est également possible que la matière mantellique soit devenue elle aussi immobile au cours du temps.

Le second modèle met en scène un noyau pauvre en soufre. Mars possède alors une structure interne similaire à celle du premier modèle : une croûte constituée d'une seule plaque recouvrant la totalité de la planète et un manteau animé de mouvements de convection. Au lieu d'être totalement liquide, le noyau est constitué d'une partie externe liquide dont la convection est source d'un champ magnétique global, et d'une partie interne solide (graine), formé par cristallisation du liquide métallique initial. La différence avec le premier modèle tient au fait que suite au refroidissement de la planète, la prise en masse du noyau continue rapidement, jusqu'à ne plus laisser qu'une couche liquide trop fine pour pouvoir héberger des cellules convectives génératrices d'un champ magnétique.

Le troisième modèle, indépendant de la richesse en soufre du noyau, implique l'apparition d'un mécanisme majeur qui change la donne : une tectonique des plaques, qui permet une évacuation efficace de la chaleur interne. Dans ce modèle, la surface de la planète Mars, comme celle de la Terre, est découpée en plaques lithosphériques mobiles. Sous la croûte, le manteau est animé de mouvements de convection, qui participent au déplacement des plaques. Le noyau est composé d'une partie externe liquide convective, et d'une partie interne solide, la graine.

Suite au refroidissement efficace de l'intérieur planétaire, ou à cause d'un événement particulier comme un impact majeur, la convection mantellique cesse. Ce phénomène entraîne automatiquement l'arrêt de la tectonique des plaques, tout en ayant également une conséquence dramatique sur la convection mantellique, qui s'arrête. Par effet domino, la convection du liquide métallique du noyau externe disparaît à son tour, entraînant l'arrêt du champ magnétique global.

Le résultat final est le même pour tous les modèles, ce qui est normal, étant donné que tous les scénarios doivent aboutir à la situation finale telle que nous la connaissons : la planète Mars finit par perdre son champ magnétique protecteur. Sous l'effet érosif du vent solaire, l'atmosphère s'évanouit dans l'espace, les températures en surface plongent, l'eau liquide cesse de couler, et une désertification globale et définitive s'installe.

Dernière mise à jour : 3 octobre 2017

Mars, une planète froide et aride dont le destin est une énigme

Comparaison entre la planète Terre et Mars (© NASA)La planète Terre et la planète Mars vues depuis l'espace. Le diamètre de Mars est deux fois plus petit que celui de la Terre et sa surface est entièrement solide (© NASA).

Mars est la quatrième planète du système solaire. Elle circule sur une orbite elliptique à une distance moyenne de 228 millions de kilomètres, et fait le tour du Soleil en deux années terrestres. Si l'année martienne est donc deux fois plus longue que l'année terrestre, la durée du jour est sensiblement la même que celle que nous connaissons.

Comme la Terre, Mars est soumise au cycle des saisons, son axe de rotation étant très similaire à celui de notre planète. En comparant les deux astres, d'autres similitudes peuvent accrocher le regard, comme l'existence de calottes glaciaires au pôle nord et au pôle sud, calottes que l'on peut facilement observer même avec un petit télescope.

Pourtant, les similarités s'arrêtent là, et quand on y regarde de près, des différences flagrantes apparaissent. La première, la plus marquante, est sans doute la taille. Avec un diamètre moyen de 6 770 kilomètres, la planète rouge est deux fois plus petite que la Terre. Cette petitesse confère à Mars une masse dix fois inférieure à celle de notre monde, et un champ de gravité trois fois moins important. Cette différence de gravité est d'ailleurs un facteur de complication quand il s'agit de mettre au point un sismomètre martien, et de le tester sur Terre.

La planète Mars photographiée par le télescope spatial Hubble (© NASA , J. Bell and M. Wolff)La planète Mars photographiée par le télescope spatial Hubble (© NASA , J. Bell and M. Wolff).

Vue de l'espace, les deux planètes dévoilent une autre différence majeure : leurs couleurs. La Terre est un magnifique globe bleu et vert marbré de brun et de blanc, tandis que la planète Mars s'affiche dans des tons rouges et ocres. Contrairement à la Terre, recouverte à 70 % par des océans, Mars est un désert à l'échelle planétaire, un astre dont la surface, rocheuse et oxydée, s'étale à perte de vue sous un ciel blafard.

Phobos et Deimos, les deux compagnons de Mars

Alors que la Terre a la chance d'être accompagné dans sa course autour du soleil par un satellite massif, la Lune, Mars ne possède que deux très petits compagnons, Phobos et Deimos.

S'il est actuellement considéré, de manière consensuelle, que la Lune s'est assemblée à partir de matériaux terrestres, éjectés dans l'espace suite à une collision titanesque avec une protoplanète géante il y a des milliards d'années, l'origine des deux satellites de la planète rouge fait encore débat. Une explication privilégie une collision similaire à celle qui fut à l'origine du système Terre-Lune, tandis qu'un autre scénario considère que Phobos et Deimos sont deux petits astéroïdes, capturés par l'attraction gravitationnelle de Mars. Ces astéroïdes ont ensuite évolué vers une orbite quasi-circulaire et alignée avec l'équateur de la planète.

D'une longueur de 27 kilomètres, Phobos est suffisamment proche de Mars pour soulever de manière infinitésimale et périodique la surface de la planète par attraction gravitationnelle. Il s'agit d'un phénomène de marées, qui serait plus spectaculaire si la planète rouge possédait des océans. Le sismomètre SEIS de la sonde InSight tentera de mesurer l'effet attractif de Phobos, et utilisera les données collectées pour sonder l'intérieur de la planète Mars jusqu'au noyau.

Dans quelques dizaines de millions d'années, les forces de marées auront raison de Phobos, qui se disloquera en une multitude de fragments de toutes tailles. Ceux-ci pourraient éventuellement s'assembler sous la forme d'un disque et former un bel anneau autour de la planète rouge.

La grande dichotomie

L'étude topographique de Mars, rendue possible par l'analyse des images obtenues depuis l'orbite et, plus récemment, par la réalisation de mesures altimétriques laser, montre que les hémisphères Nord et Sud sont très différents. C'est l'une des caractéristiques les plus remarquables de la planète.

Au sud se trouvent des hauts plateaux très cratérisés, et donc très vieux. Avec des âges qui peuvent facilement atteindre 4 milliard d'années, les roches exposées au niveau de l'hémisphère Sud sont bien plus anciennes, et bien mieux conservées, que les roches les plus vieilles que l'on peut trouver sur Terre. En l'absence de tectonique des plaques, un mécanisme qui modifie de manière irréversible les matériaux rocheux, l'hémisphère Sud de Mars est un véritable musée à ciel ouvert.

dichotomie smallLa grande dichotomie martienne : la planète Mars est littéralement scindée en deux hémisphères distincts : au Sud, des hauts plateaux cratérisés et anciens, et au Nord, des plaines bien plus jeunes (© NASA).

Au nord, la situation est bien différente : nous trouvons plutôt des plaines basses, dont la surface, bien plus jeune, n'est marquée que ponctuellement par des cratères d'impact, moins nombreux et plus petits.

Les planétologues appellent cette dissymétrie entre le Nord et le Sud, qui n'a pas d'équivalent sur Terre, la grande dichotomie martienne.

Son origine demeure aujourd'hui encore une question brûlante. Deux hypothèses ont été principalement avancées. La première implique un choc titanesque avec une protoplanète au cours des premiers âges du système solaire. La collision aurait littéralement enfoncé l'hémisphère Nord, en amincissant la croûte et en ouvrant un nombre considérable de fractures, par lesquelles de la lave se serait épanchée, en rajeunissant la surface, c'est à dire en recouvrant les terrains plus anciens et en faisant disparaître les cratères d'impact.

La seconde hypothèse met un jeu un phénomène non pas externe, comme un impact massif, mais un phénomène interne, propre à la planète Mars. Il est possible que le manteau de Mars ait été hétérogène, et que sous l'hémisphère nord, un immense panache de matériaux en fusion, ou une activité convective importante, se soit mise en place, conduisant à un affaissement de l'écorce et à l'émission de gigantesques flots de lave en surface. L'origine d'une telle agitation, localisée spécifiquement sous l'hémisphère Nord, est inconnue. En atterrissant à proximité de la limite entre les hautes et anciennes terres du Sud et les jeunes plaines du Nord, la sonde InSight pourra peut-être lever un coin du voile qui entoure le mystère de la dichotomie martienne.

Un monde glacé, entouré d'une fine atmosphère irrespirable

L'atmosphère martienne (vue ici par la tranche) est très ténue et irrespirable (© NASA)L'atmosphère martienne (vue ici par la tranche) est très ténue et irrespirable (© NASA).

Des études toujours plus poussées, grâce notamment aux missions spatiales mais aussi à l'analyse de météorites martiennes tombées sur Terre, continuent de révéler la nature extraterrestre de la planète rouge.

Contrairement à la Terre, ce monde ne possède plus aucun champ magnétique, et c'est sans doute la disparition de ce bouclier protecteur, sans lequel nous ne pourrions vivre sur Terre, qui est la cause de la disparition presque complète de l'atmosphère martienne.

Aujourd'hui, Mars n'est plus enveloppée que par une couche très ténue d'air irrespirable, composé presque exclusivement de dioxyde de carbone (CO2). Etant donné sa finesse, l'atmosphère est incapable de retenir la chaleur apportée par le Soleil, ce qui explique que la surface de Mars soit glacée. La température moyenne est de -53°C, et entre le jour et la nuit, les contrastes sont immenses. Si, à midi à l'équateur en plein été, la température peut frôler les 0°C,  la nuit voici qu'elle plonge facilement à -70°C. Ces énormes variations de température compliquent très fortement les mesures sismiques, sachant qu'idéalement, les sismomètres devraient fonctionner dans des environnements où la température est la plus stable possible.

Glace d'eau à l'intérieur d'un cratère d'impact (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum)Glace d'eau à l'intérieur d'un cratère d'impact (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum).

Les températures très basses, ainsi que la valeur très faible de la pression atmosphérique, interdisent à l'eau d'exister à l'état liquide sur Mars.

Cette molécule, qui a joué des rôles centraux dans l'histoire de la Terre, à la fois du point de vue géologique (tectonique des plaques) et biologique, ne peut donc se trouver à la surface de Mars qu'à l'état de vapeur d'eau dans l'air, ou sous forme de glace.

Si les calottes polaires renferment bien de grandes quantités de glace d'eau, tout comme le sol des hautes latitudes, il est plus que probable que des quantités considérables se soient échappées dans l'espace, sans doute suite à la disparition du champ magnétique, et à cause d'un champ de gravité faible, lié à la petite taille de la planète.

Des traces d'écoulement d'eau liquide

L'étude des reliefs martiens montre pourtant la présence, sur des terrains anciens, de deux types de formation qui semblent avoir été façonnés par des écoulements d'eau liquide. Le premier, sortes de lits de rivières, ressemble de façon frappante aux tracés des cours d'eau qui méandrent au fond de nos vallées terrestres. Ces réseaux de vallées pourraient bien avoir été creusés par le ruissellement d'eau de pluie.

Le second type de traces d'écoulement est encore plus stupéfiant : il s'agit de ravines immenses, qui prennent souvent naissance dans des terrains chaotiques, d'immenses étendues de la surface martienne qui semblent s'être effondrées sur elles-mêmes, laissant derrière elle un labyrinthe infranchissable composé de blocs rocheux de toutes tailles, jetés les uns contre les autres.

Cratère et chenaux d'écoulement dans la région d'Hephaestus Fossae (ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum)Cratère et chenaux d'écoulement dans la région d'Hephaestus Fossae (ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum).

Dans ces régions, tout semble indiquer qu'une quantité invraisemblable d'eau a été libérée, provoquant l'affaissement des terrains environnants. Un flot infernal, charriant des blocs rocheux haut de plusieurs étages et des icebergs aux arêtes tranchantes a apparemment déferlé en surface, raclant, griffant et arrachant le socle rocheux, dévastant tout sur son passage. Les cicatrices hideuses, appelées vallées de débâcle, que l'on observe encore aujourd'hui sur Mars ne donnent qu'une petite idée de la violence de ces tsunamis martiens, qui ont littéralement décapé des secteurs entiers de la planète.

Force est donc de constater que dans un lointain passé, et contrairement à ce que l'on observe maintenant, l'eau liquide semble avoir joué un rôle très important dans le façonnage des reliefs martiens. Quelque chose de radical s'est donc produit dans l'histoire de Mars qui a mis fin à ces phénomènes.

Un monde où l'atmosphère peut geler

Formations esthétiques dues à la sublimation de la glace sèche de dioxyde de carbone au niveau de la calotte polaire sud lors du dégel du printemps (© NASA/JPL/University of Arizona)Formations esthétiques dues à la sublimation de la glace sèche de dioxyde de carbone au niveau de la calotte polaire sud lors du dégel du printemps (© NASA/JPL/University of Arizona).Une autre conséquence des températures glaciales qui règnent sur Mars est de donner de l'importance à une molécule qui sur Terre, n'existe qu'à l'état gazeux dans l'air : le dioxyde de carbone.

Sur la planète rouge, cette molécule forme non seulement le principal composant de l'atmosphère, mais elle peut également prendre en masse pour former de la glace sèche, ou glace carbonique. En hiver, quand les températures atteignent les -120°C, une partie significative de l'atmosphère se solidifie ainsi au niveau des calottes. L'encroûtement de glace sèche qui se forme alors donne naissance à des reliefs aux formes étranges et envoûtantes, totalement inconnues sur Terre. Leur inquiétante beauté fascine déjà depuis l'orbite, et l'on ne peut que rêver de ce qu'il serait possible d'apercevoir depuis le sol.

Sur Mars, dans certaines conditions, le dioxyde de carbone pourrait aussi se liquéfier, et donner naissance à des écoulements dont les comportements seraient bien différents de ceux auxquels l'eau nous a habitués sur Terre. Pour certains scientifiques, le dioxyde de carbone a donc joué un grand rôle sur Mars. C'est lui, et non l'eau liquide, qui serait impliqué dans la formation de certaines traces d'écoulement observées depuis l'orbite.Une dune de sable noir photographiée par le rover Curiosity à l'intérieur du cratère d'impact Gale (© NASA/JPL-Caltech/MSSS)Une dune de sable noir photographiée par le rover Curiosity à l'intérieur du cratère d'impact Gale (© NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Activité de surface

Si l'on jette un oeil à l'activité de surface, on découvre vite que le principal phénomène encore actif sur Mars n'est autre que le vent, qui circule tout autour du globe en soulevant une poussière très fine. Oxydée et dotés de propriétés magnétiques, celle-ci recouvre la surface comme un linceul rougeâtre, et donne à l'astre sa couleur caractéristique.

Contrairement à l'écorce terrestre, dont les fragments ne cessent de s'écarter et de s'entrechoquer depuis des milliards d'années par le jeu de la tectonique de plaques, qui modifie en permanence la forme et la découpe des continents, Mars apparaît comme un monde mort, à la géologie figée pour l'éternité.

Volcans et canyons géants

Le volcan Olympus Mons mesure 26 kilomètres de haut. Sa taille est si importante qu'il recouvrirait la France entière (© NASA)Le volcan Olympus Mons mesure 25 kilomètres de haut. Sa taille est si importante qu'il recouvrirait la France métropolitaine (© NASA).

Malgré des décennies d'observation, aucune éruption ou épanchement de coulée de lave n'a encore été détectée en direct à la surface de Mars. L'astre ne manque pourtant pas de bouches volcaniques. Avec ses 25 kilomètres de hauteur, le volcan Olympus Mons est ainsi l'un des plus élevés du système solaire.

La surface martienne porte aussi les cicatrices d'immenses déchirures de la croûte, l'exemple le plus flagrant étant les abîmes du gigantesque canyon de Valles Marineris. D'une longueur de 4000 kilomètres, ce système de gouffres s'étend sur l'équateur et entaille l'écorce jusqu'à la profondeur respectable de 10 kilomètres. 

Pourtant, en dépit de ces témoignages passés d'une vie géologique agitée, plus rien aujourd'hui ne semble bouger. Une situation qui rend d'autant plus nécessaire la dépose d'un sismomètre sur place. La réalisation de mesures sismiques offrira effectivement la possibilité de prendre pour la première fois le pouls de la planète, et de déterminer si quelque chose s'agite encore dans ses entrailles.

Le déclin de Mars, son incapacité à maintenir une activité géologique sur des milliards d'années, tient en partie dans l'absence de tectonique de plaques. Sur Terre, c'est ce mécanisme planétaire, au coeur duquel l'eau semble jouer un rôle essentiel, qui est responsable du dynamisme géologique de notre monde. Surrection de chaînes de montagne, activité volcanique débridée (que ce soit au fond des océans ou à l'air libre,) où tremblements de terre tant redoutés, tous ces phénomènes sont directement reliés à la tectonique de plaques. Sur Mars, ce mécanisme ne semble pas s'être mis en route, où alors il s'est arrêté précocement.

La jeune Mars

Une avalanche à proximité de la calotte polaire nord (© NASA/JPL/University of Arizona)Une avalanche à proximité de la calotte polaire nord (© NASA/JPL/University of Arizona).

Même si la communauté scientifique continue de débattre du visage qu'offrait la planète rouge primitive, il y a de cela des milliards d'années, il semble de plus en plus probable que la jeune Mars était une cousine de la Terre.

Formée dans un secteur similaire du système solaire, les deux astres ont pris corps en accrétant les mêmes matériaux, dont d'immenses quantités d'eau.

La chaleur provenant de l'intérieur planétaire a alimenté des volcans, d'où sont sortis des flots de lave et des quantités invraisemblables de gaz, qui ont fini par former une atmosphère épaisse.

Au centre de la planète, des métaux en fusion ont formé un noyau métallique bientôt animé par des mouvements de convection qui ont généré un champ magnétique protecteur. Ce bouclier de lignes de forces invisibles a entouré la planète, bloquant l'action érosive du vent solaire, et protégeant la jeune atmosphère. En surface, les températures étaient compatibles avec la condensation d'eau liquide. À force de ruissellements, celle-ci a bientôt formé des lacs (par exemple à l'intérieur des cratères d'impact), des mers et peut-être même des océans.

Carte des anomalies magnétiques crustales martiennes (© Connerney, J.E.P. et al., (2005) Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 102, N°42, 14970-14975)Carte des anomalies magnétiques crustales martiennes : un champ magnétique rémanent, témoin de l'activité d'une dynamo au tout début de l'histoire de Mars, est présent au niveau de l'hémisphère Sud. Son activité diminue clairement sur les terres du Nord (© Connerney, J.E.P. et al., (2005) Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 102, N°42, 14970-14975).

Grâce aux nombreuses sondes actuellement en orbite et aux rovers qui arpentent la surface de la planète, notre connaissance continue de faire des bonds en avant. Des reliques de l'ancien champ magnétique ont ainsi été découvertes par le magnétomètre embarqué sur la mission Mars Global Surveyor. Les observations de cet instrument ont montré qu'au niveau des roches les plus anciennes de la planète, dans l'hémisphère sud, certains minéraux riches en fer ont conservé des traces fossiles du champ magnétique qui englobait Mars au tout début de son existence. Au niveau de l'hémisphère nord, là où les roches sont plus jeunes, la magnétisation de la croûte est beaucoup moins développée, ce qui est cohérent avec une disparition précoce du champ magnétique d'origine interne.

Dans les dernières années, profitant du développement de spectromètres infrarouges sophistiquées, les planétologues ont commencé à détecter au niveau des plus anciens terrains de la planète des concentrations de minéraux qui ne peuvent se former qu'en présence d'eau. C'est ainsi que de l'hématite grise a été détectée d'abord depuis l'orbite, puis ensuite directement au sol, grâce au travail d'investigation d'un rover. Des roches sulfatées, déposées par la percolation d'eaux acides chargées en soufre, ont ensuite été mises en évidence. Plus intéressant encore, des dépôts argileux, formés par sédimentation dans des étendues d'eau légèrement alcalines, et plus anciens que les lits de sulfates, ont été repérés à plusieurs endroits de la surface. Après son atterrissage en août 2012 dans le cratère d'impact Gale, le rover Curiosity se rendit rapidement compte qu'il roulait sur le fond d'un ancien lac !

Des nappes de brouillard stagnent dans les gouffres de Valles Marineris (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum)Des nappes de brouillard stagnent dans les gouffres de Valles Marineris (© ESA/DLR/FU Berlin G. Neukum).

Histoire d'une agonie planétaire

L'histoire de Mars semble donc s'être déroulée en trois étapes. Jusqu'à environ 3,9 milliard d'années, la planète a sans doute été un monde chaud et humide, avec un bouclier magnétique protecteur global, une atmosphère épaisse, un cycle de l'eau où des pluies alimentaient des rivières qui se jetaient dans des mers, et une activité volcanique vigoureuse. Nommé noachien, cette période idyllique, digne d'une carte postale, s'est en particulier distinguée par la mise en place d'épais dépôts argileux. Hélas, elle n'allait pas durer.

Pour une raison inconnue, le champ magnétique qui entourait la planète se désactiva, ce qui livra la planète pieds et points liées au vent solaire et à son action érosive. Au début, l'activité volcanique, dont l'intensité ne cessait d'augmenter, injectait d'immenses quantités de gaz dans l'atmosphère, régénérant l'air qui s'évanouissait dans l'espace sans possibilité de retour. Les rejets gazeux volcaniques étant très riches en soufre, la planète commença à s'acidifier. Les argiles furent remplacées par des dépôts sulfatés, qui sont caractéristiques de cette période que l'on nomme hespérien.

En perdant son champ magnétique, la planète Mars s'était engagée dans une voie irréversible, qui allait la conduire tout droit vers une mort géologique. Au fil du temps, la chaleur interne s'est mise à diminuer, ce qui ralentit puis stoppa l'activité volcanique. Non remplacée, l'atmosphère finit par s'amincir tellement qu'elle provoqua une chute brutale des températures, et la planète finit par geler sur place.

A partir de 3,5 milliards d'années, point de départ de la période amazonienne, Mars se mit de plus en plus à ressembler à ce qu'elle est maintenant : un désert planétaire, dont la surface, devenue rougeâtre et oxydée, était battue par les vents. En poussant devant elle des champs de dune de sable, en soulevant des tempêtes de poussière et en permettant à des nuages de glace d'eau ou de dioxyde de carbone de vagabonder dans l'air froid et ténu, l'activité éolienne était devenue le seul phénomène capable d'agir à la surface de Mars.

Traînées noires laissées au sol par des tourbillons de poussière (© NASA/JPL/University of Arizona)
Traînées noires laissées au sol par des tourbillons de poussière (© NASA/JPL/University of Arizona).

Périodiquement, la planète pouvait néanmoins connaître des modifications majeures de son climat. En effet, contrairement à la Terre, Mars ne peut pas s'appuyer sur la présence d'un satellite massif (comme la Lune) pour stabiliser son axe de rotation.

À l'image d'une toupie devenue folle, il arrive parfois que la planète bascule fortement sur son axe de rotation, en pointant l'un de ses pôles en direction du Soleil. Ces inclinaisons erratiques, couplées à une orbite très elliptique qui peut parfois s'allonger ou se raccourcir de façon chaotique, ont enclenché des changements climatiques dramatiques, au cours desquels les calottes polaires se mettaient à fondre, tandis que des lames de glace s'avançaient sur l'équateur actuel.

Les scientifiques ont mis en évidence de nombreux témoignages de ces ères glaciaires, qui ont marqué durement la planète. La dernière aurait eu lieu il y a tout juste 5 millions d'années.

Il ne fait pratiquement aucun doute que la cause de ce destin tourmenté se trouve dans les profondeurs de la planète. La petite taille de l'astre, qui conditionne au final la quantité de chaleur disponible ainsi que la capacité à retenir les gaz légers de l'atmosphère, a sans doute condamné Mars depuis le départ. Mais de nombreuses zones d'ombre demeurent. L'histoire de la formation et de l'évolution de la planète rouge ne pourra pas être contée tant que nous n'aurons pas jeté un oeil à l'intérieur même de la planète, grâce à cette technique essentielle qu'est la sismologie.

Dernière mise à jour : 31 juillet 2017

Accrétion (protoplanète)
Accrétion (fonte du noyau)
Accrétion (océan de magma)
Accrétion (différentiation)

Un intérieur planétaire structuré en couches

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les planètes qui tournent autour du Soleil et qui possèdent une surface solide, comme Mercure, Vénus, la Terre ou Mars, ne sont pas simplement des sphères rocheuses uniformes. Si l'on pouvait trancher l'une des ces planètes avec un couteau de géant aux dimensions planétaires, on obtiendrait quelque chose de similaire à une pèche. Lorsque l'on tranche ce fruit, on peut observer une mince pellicule duveteuse, la peau, avec en dessous la pulpe, plus épaisse, et enfin un noyau dur. Les planètes telluriques ont une structure assez proche de ce modèle : en surface, une zone très fine que l'on appelle la croûte, qui laisse place en profondeur à une couche bien plus épaisse et plus chaude, le manteau. Au centre se trouve un noyau, qui peut-être solide, liquide, ou les deux.

Bien entendu, il est impossible de couper un astre comme on tranche un fruit. Comment savons-nous alors ce qui se cache dans les profondeurs de notre planète ? Sur Terre, le forage le plus profond, entrepris dans la péninsule de Kola en Russie, a permis à l'homme d'atteindre la profondeur respectable de 12 262 mètres, soit environ 12 km. En comparaison, le diamètre moyen du globe terrestre est de 12 742 km. Le forage de Kola n'a pénétré que de 0,2 % dans la sphère terrestre, et n'a même pas traversé la croûte continentale, dont l'épaisseur varie de 15 à 80 km. Malgré nos efforts, nous ne sommes donc parvenus qu'à égratigner à peine le globe terrestre.

Pourtant, les géophysiciens disposent d'une puissante technique d'investigation qui a permis au fil des décennies d'explorer l'intérieur de la Terre, et de déchiffrer sa structure : la sismologie.

La sismologie, ou comment visualiser l'intérieur d'une planète

À chaque fois qu'une onde sismique change de compartiment, par exemple lorsqu'elle passe de la croûte au manteau, ou du manteau au noyau, une partie de son énergie est transmise d'un compartiment à l'autre (on parle d'onde transmise) tandis qu'une autre "rebondit" sur la frontière qui les sépare (on parle d'onde réfléchie). Les proportions prises respectivement par ces deux types d'ondes dépendent des contrastes de structure entre les deux compartiments, et permettent d'identifier leurs limites, appelées interfaces.

De la même manière, s'il existe au sein d'un compartiment donné des discontinuités, c'est-à-dire si ce dernier n'est pas homogène, les ondes sismiques vont être pareillement affectées. Là aussi, les géophysiciens vont pouvoir préciser la structure d'un compartiment donné, par exemple l'existence de stratifications au sein de la croûte ou d'anomalies au niveau du manteau. Aujourd'hui, sur Terre, les avancées réalisées en géophysique sont telles que l'on peut par exemple réaliser des images de l'intérieur de la Terre, un peu comme des échographies. 

La structure interne de la Terre

En auscultant durant des décennies la manière dont les ondes sismiques naturellement émises par les tremblements de Terre se propagent au sein du Globe, les géophysiciens ont d'abord découvert l'existence des trois grandes enveloppes que nous avons évoquées plus haut (la croûte, le manteau et le noyau). Ils ont ensuite obtenu une vision très détaillée de l'intérieur du globe terrestre.

En surface se trouve la croûte, soit océanique, soit continentale. La croûte océanique, principalement formée de roches basaltiques surmontées de sédiments et qui forme le plancher des océans, est relativement fine : 6 à 11 kilomètres en moyenne. Au contraire, la croûte continentale, de nature granitique et qui forme l'ossature des continents, est plus épaisse : de 15 kilomètres à 80 kilomètres sous les chaînes de montagne, avec une moyenne de 30 kilomètres.

Vient ensuite le manteau, séparé de la croûte par une discontinuité découverte en 1909 par un pionnier de la sismologie, A. Mohorovicic, discontinuité que l'on appelle familièrement le moho en son honneur. Le manteau terrestre représente une portion invisible mais immense du volume de la Terre, puisqu'il se prolonge jusqu'à 2 900 kilomètres de profondeur, là ou se trouve sa limite avec le noyau. Il est composé de deux régions distinctes : le manteau supérieur, jusqu'à 660 kilomètres de profondeur, et le manteau inférieur sous-jacent.

Le manteau supérieur est lui-même découpé en deux compartiments : une partie solide, cassante, qui est accrochée à la croûte et qui forme avec cette dernière les fameuses plaques lithosphériques mobiles, et une partie malléable, qui s'étend jusqu'au manteau inférieur, et qui peut donc se déformer. Constitué de roches très riches en olivine, le manteau supérieur terrestre est animé de mouvements de convection, qui contribuent aux déplacements des plaques lithosphériques qu'il porte sur son dos.

Au niveau du manteau inférieur, la pression et la température, qui augmentent avec la profondeur, provoquent des modifications de la structure cristalline des minéraux, que les géophysiciens appellent changement de phase. L'une des transitions de phase les plus importantes intervient à la profondeur de 670 kilomètres, définie comme étant la limite entre le manteau supérieur et le manteau inférieur. A ce niveau l'olivine se transforme en se densifiant en pérovskite, avec des conséquences assez importantes, en particulier sur la viscosité, paramètre qui influence fortement la facilité avec laquelle la matière peut se déplacer (l'eau a ainsi une viscosité pratiquement nulle, comparée à du miel qui coule déjà moins facilement, mais qui reste quand même plus fluide que de la pâte à dentifrice).

La structure interne de la Terre (© Adobe Stock).La structure interne de la Terre : notre planète est découpée en trois enveloppes : la croûte, le manteau et le noyau. Ce dernier possède une partie externe liquide et une partie interne solide, la graine (© Adobe Stock).

En-dessous du manteau se trouve enfin le noyau, séparé du manteau par la discontinuité de Gutenberg. Avec un rayon moyen de 3470 kilomètres, il est lui aussi composé de deux parties. La plus externe est liquide et s'étend entre 2900 kilomètres et  5100 kilomètres de profondeur. À ce niveau se trouve la discontinuité de Lehmann, qui sépare le noyau externe liquide de la graine, coeur solide du noyau qui occupe véritablement le centre de notre planète, de 5100 kilomètres à 6371 kilomètres sous la surface.

La mise en place de la structure interne : accrétion et différentiation

Pour mieux comprendre la composition et les propriétés des compartiments qui constituent les planètes, le plus intéressant est de remonter à leur origine. Car les planètes acquièrent très tôt dans leur histoire leur structure interne, et celle-ci se met en place lors d'un processus que l'on nomme la différentiation, et dont certains aspects restent énigmatiques.

Notre système solaire, qui englobe le Soleil ainsi que le cortège de planètes qui orbitent autour, est né il y a environ 4,5 milliards d'années, suite à la contraction sur lui-même d'un immense nuage interstellaire de gaz et de poussière. Le centre de ce nuage est occupé par l'étoile, tandis que les planètes se forment à sa périphérie, à l'intérieur d'un disque d'accrétion.

Le disque d'accrétion peut être comparé à une sorte de chaudron infernal, d'où les planètes vont sortir. Il est composé d'un mélange de gaz où circulent dans toutes les directions des grumeaux de matière, métal, roche ou glace. D'innombrables collisions ont lieu, ce qui permet à certains grumeaux de grossir, tandis que d'autres sont pulvérisés en particules plus petites.

À cause de leur gravité plus importante, les fragments plus volumineux ont plus de chance d'attirer vers eux d'autres grumeaux, ce qui augmente en retour leur taille, et donc à nouveau leur puissance d'attraction. Ils vont finir par former ce que les planétologues appellent des planétésimaux, sortes d'astéroïdes imposants, qui vont servir de briques de base pour la formation des planètes. Toujours soumis à d'incessantes collisions au sein du disque d'accrétion, les planétésimaux vont s'agglomérer entre eux et former des protoplanètes. Autour de la jeune étoile, des boules de matière chauffées à blanc viennent alors d'apparaître. Parmi elles, la Terre et Mars.

Vue d'artiste du processus d'accrétion (© Adobe Stock).Vue d'artiste du processus d'accrétion (© Adobe Stock).

En surface et en profondeur, les températures sont telles qu'une bonne partie des matériaux ayant servi à l'assemblage du corps planétaire est fondue. Les métaux sont devenus liquides, les roches existent à l'état de magma bouillant, tandis que les éléments les plus légers et volatils, comme l'eau, partent dans l'espace sous forme de vapeurs brûlantes, sans pouvoir s'accumuler ou rester sur place.

À ce stade, un processus fondamental pour l'avenir de la planète va avoir lieu : c'est la différentiation. Lorsqu'il sera terminé, l'astre aura acquis une structure interne, qui va décider de son évolution.

Dans le processus de différentiation, les différents éléments qui constituent la planète vont se séparer les uns des autres en fonction de leur nature. Le fer, présent en grandes quantités, va tomber au centre des planètes telluriques à cause de son poids, entraînant avec lui d'autres éléments comme le nickel et le soufre, pour former un noyau métallique.

Des composés plus légers que les métaux, les silicates (qui rentrent de façon majoritaire dans la composition des roches) vont se combiner avec d'autres atomes, comme le sodium ou le potassium, pour former une écume de roche qui va rester en surface, puis se figer sous l'effet du refroidissement en une couche assez fine : c'est la croûte.

Entre la croûte et le noyau va subsister une enveloppe assez épaisse, composée de silicates qui vont cette fois ci s'unir avec des éléments comme le magnésium et le fer pour former le manteau.

Enfin, les éléments gazeux, très volatils, vont s'échapper par les fractures zébrant la croûte et se rassembler autour de la planète pour donner naissance à une atmosphère plus ou moins épaisse et, potentiellement, des couches aqueuses (glacées et/ou liquides) si les conditions de pression et de température le permettent. La planète ne pourra garder autour d'elle son atmosphère que si sa masse, et donc sa gravité, est suffisante. Si ce n'est pas le cas, l'atmosphère se dissipera facilement, et de manière irréversible, dans l'espace.

Le processus de différentiation est assez semblable à ce qui se passe dans un haut-fourneau, que l'on remplit de minerais bruts avec pour objectif de les transformer en métaux purs. Prenons l'exemple d'un haut-fourneau situé à proximité d'une mine de fer. Le ventre du fourneau est rempli avec un minerai de fer, composé d'oxydes de fer et d'autres impuretés, et d'une sorte de charbon, le coke. L'ensemble est alors chauffé à des températures permettant la liquéfaction du mélange. L'apparition de fer pur, qui, à cause de son poids, s'accumule au fond du creuset, forme la fonte, similaire au noyau. Les éléments plus légers que le fer, les silicates, vont constituer une sorte d'écume qui va rester en surface, et que l'on appelle le laitier. Celui-ci rappelle la croûte. Enfin, les gaz vont s'échapper en sifflant vers le haut, comme ceux de l'atmosphère.

La structure interne décide de l'évolution d'une planète

A l'issue du processus de différentiation, une planète tellurique donnée possède donc un noyau, un manteau, une croûte, ainsi qu'éventuellement des couches aqueuses et une atmosphère. Ces grandes enveloppes sont absolument fondamentales, car ensemble, elles vont décider du destin des planètes. Si, après 4,5 milliards d'années d'existence, la Terre est toujours une planète vivante, aussi bien d'un point de vue géologique que biologique, c'est grâce à sa structure interne.

L'activité géologique terrestre est effectivement variée et intense : disséminés sur la planète, les volcans crachent des flots de lave rouge et des nuages de cendres. Les tremblements de terre font trembler les villes et leurs habitants, certaines montagnes continuent de s'élever tandis que d'autres sont grattées par l'érosion et finissent en grains de sable sur les plages.

La tectonique des plaques

Le dynamisme géologique débridé de la Terre est lié à un phénomène imperceptible mais essentiel : la tectonique des plaques.

Très tôt dans l'histoire de notre planète, l'importante activité convective qui règne dans le manteau a eu pour effet de fragmenter la surface du globe en une dizaine de grandes plaques lithosphériques, qui ne cessent depuis de se déplacer les unes par rapport aux autres, soit en s'écartant, soit en rentrant en collision, soit encore en glissant latéralement, avec plus ou moins de friction. Le coulissage rugueux des plaques les unes contre les autres sont à l'origine des tremblements de Terre. L'écartement des plaques ouvre des dépressions au sein desquelles s'installent des mers et des océans, et quand ces mêmes plaques finissent par se rapprocher comme des mâchoires avant de rentrer en collision, ces mêmes mers et océans disparaissent, laissant place à des bourrelets cicatriciels que l'on appelle chaînes de montagne.

Sur des échelles très longues, des centaines de millions d'années, le jeu de la tectonique des plaques a une conséquence étonnante : l'apparition de cycles à longue période, dit de Wilson. Au cours de ces cycles, des terres émergées s'assemblent en un supercontinent, entouré par un gigantesque océan unique. Tiraillé de toutes parts, le super-continent finit par se disloquer en une multitude de fragments mobiles, qui vont se disséminer tout autour de la planète, avant de se rapprocher inévitablement à nouveau, pour finalement fusionner entre eux. Et ce grand ballet géologique, qui reconfigure en permanence, lentement mais inéluctablement, le visage de la planète, recommence encore et encore.

Ainsi, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les planisphères actuels, dressés à grand renfort d'exploration, ne représentent en fait qu'un instant dans la vie de la Terre, et à l'échelle des cycles de Wilson, nos cartes géographiques ne sont valables qu'un  court instant. La Terre avait un aspect très différent il y a des centaines de millions d'années, et dans un avenir lointain, le contour des océans et des continents n'aura plus rien à voir avec ce que l'on connaît.

La tectonique de plaques sur Terre (© Adobe Stock).La tectonique de plaques traduit l'activité géologique incessante de la Terre (© Adobe Stock)..

La tectonique des plaques a d'autres conséquences plus importantes encore. Son existence a ainsi doté la Terre de deux types de croûte, que nous avons déjà évoqués plus haut : la croûte océanique, qui supporte les océans et qui est assez fine, et la croûte continentale plus épaisse, sur laquelle nous vivons. Même si cela n'est qu'une hypothèse, il est probable que la vie ne pourrait pas se développer et évoluer de la même manière sur une planète océan (qui ne posséderait pas de continents), ou sur une planète entièrement continentale (sans surface liquide). Notre Terre a eu la chance de posséder les deux, continents et océans, et cette caractéristique a sans doute joué un rôle non négligeable dans sa capacité à accueillir puis à permettre le développement du vivant.

De la même manière, au niveau des zones de subduction où les plaques replongent vers l'intérieur de la Terre, la tectonique des plaques permet un recyclage des éléments volatils, en particulier l'eau. Cet élément ayant la propriété d'abaisser la température de fusion des roches, le cycle continuel de l'eau entre l'intérieur et l'extérieur de la planète apparaît essentiel pour entretenir l'activité volcanique.

L'activité volcanique, qui sur Terre est principalement liée à la tectonique des plaques (la très grande majorité des édifices volcaniques sont situés aux limites entre les plaques lithosphériques) a permis entre autre à notre planète de s'entourer d'une atmosphère persistante. Or cette couche de gaz est directement responsable des températures régnant en surface. Selon son épaisseur et sa composition, en particulier la présence de composés gazeux à effets de serre, capables de retenir la chaleur, elle va effectivement contrôler les températures au sol. Si elle est absente ou trop fine, la planète est globalement très froide, c'est le cas de la Lune ou de Mars. Au contraire, trop épaisse, elle peut transformer un monde en un enfer étouffant, c'est le cas de Vénus. Là encore, la corrélation avec la capacité à supporter la vie est marquante.

Tout semble donc indiquer que si le mécanisme de tectonique des plaques ne s'était pas enclenché sur Terre, notre monde serait bien différent de ce qu'il est actuellement, et il est fort probable que nous ne serions pas là pour en parler.

Le champ magnétique ; une protection contre les dangers cosmiques

Une aurore boréale sur Terre : au niveau des pôles, les particules énergétiques du vent solaire excitent l'atmosphère terrestre en donnant naissance à des phénomènes lumineux magnifiques (© droits réservés)Une aurore boréale sur Terre : au niveau des pôles, les particules énergétiques du vent solaire excitent l'atmosphère terrestre en donnant naissance à des phénomènes lumineux magnifiques (© Creative Commons).La vigueur géologique d'une planète alimente également un autre phénomène, essentiel pour toutes les formes de vie. Dans les profondeurs de la Terre, le métal en fusion du noyau est animé de mouvements complexes de convection, qui donnent naissance à un champ magnétique global.

Totalement invisible à moins d'avoir une boussole ou d'avoir la chance d'assister au spectacle émouvant d'une aurore boréale, ce champ magnétique entoure la planète dans une trame invisible de lignes de force et nous permet de vaquer à nos occupations, sans nous soucier de dangers extérieurs insoupçonnés.

Tel un bouclier, le champ magnétique terrestre joue un rôle essentiel en déviant des flux de particules très énergétiques émises par le Soleil ou provenant des profondeurs de notre galaxie, la Voie Lactée. Si elles n'étaient pas déviées par un champ magnétique, ces radiations pourraient facilement abraser l'atmosphère à la manière d'une râpe et finir par la faire disparaître dans l'espace. Elles pourraient également causer des dommages majeurs aux éventuelles formes de vie évoluant en surface.

Vers une compréhension du destin de la planète Mars

La connaissance de la structure interne de Mars pourrait paraître être un exercice purement académique, du moins jusqu'à ce que l'on compare la planète rouge à la Terre.

Car lorsque l'on procède à cet exercice, on ne peut pas manquer d'être frappé par la différence de destinée de ces deux astres, qui au départ avaient les mêmes potentialités. Effectivement, comme nous l'avons vu, il y a environ 4,5 milliards d'années, Mars et la Terre sont sorties d'un secteur à peu près identique du disque d'accrétion. En première approximation, les deux planètes se sont assemblées dans les mêmes conditions, et à partir du même stock de matériel de construction.

Véritable paradis au sein des abîmes hostiles et glacés du cosmos, la Terre a su accueillir la vie et permettre son développement au cours de plusieurs milliards d'années. En comparaison, la vision que renvoie la planète rouge aujourd'hui est inquiétante et menaçante. Mars ne possède plus aucun champ magnétique, et avec une pression atmosphérique presque 200 fois inférieure à la pression terrestre, la mince couche d'air qui entoure la planète ne peut plus grand chose pour réchauffer la surface. Au sol, les conditions sont glaciales, avec une température moyenne de -53°C.

Si les édifices volcaniques majestueux de la planète rouge sont là pour rappeler un passé glorieux, tous semblent éteints et à ce jour, aucune sonde n'a surpris la plus petite coulée de lave, ou la plus infime activité hydrothermale. Enfin, si une tectonique de plaques s'est enclenchée peu après la formation de la planète, un sujet vigoureusement débattu parmi les spécialistes, elle a cessé peu après, et ,contrairement à la Terre, la lithosphère de Mars n'est donc pas découpée en plaques mobiles, mais forme une seule et unique coque rocheuse très épaisse, en dessous de laquelle se trouve le manteau et le noyau.

Pourquoi de tels différences ? Pourquoi Mars, qui avait le potentiel pour devenir une seconde Terre et accueillir une autre genèse, n'est t-elle plus qu'un astre désolé et stérile ? La réponse est dans les profondeurs de Mars, et ce sera à la sonde InSight de le découvrir.

Dernière mise à jour : 14 août 2017

La planète Mars craque-t-elle de l'intérieur ?

Répartition des failles sur le globe martien (© Anderson, 2001)Répartition des failles sur le globe martien. En cartographiant les anciennes failles il est possible de déterminer les mouvements auxquels la croûte a été soumise dans le passé (© Anderson, 2001).

Sur Terre, la très grande majorité des séismes sont liés à la tectonique de plaques. La surface de notre planète est effectivement découpée en plaques, qui ne cessent de bouger les unes par rapport aux autres. Aux endroits où les plaques s'écartent, rentrent en collision ou coulissent, d'immenses tensions s'accumulent, qui finissent  par se libérer lors des séismes.

En l'état actuel de nos connaissances, les planétologues ne pensent pas que Mars a connu une tectonique de plaques. Mars serait une planète dont la surface ne se serait jamais fragmentée en  plaques mobiles. En conséquence, l'activité sismique risque donc d'être moins intense que sur Terre.

Séismes intra-plaques

Si les séismes terrestres sont principalement concentrés le long des frontières des plaques lithosphériques, quelques-uns ont toutefois lieu à l'intérieur des plaques elles-mêmes. Ces derniers, qualifiés d'intra-plaques, proviennent principalement du lent refroidissement des roches à plus ou moins grande profondeur. En perdant de la chaleur, les matériaux rocheux se contractent et accumulent des tensions, qui finissent par se relâcher en provoquant un séisme. Les géophysiciens estiment que le globe martien pourrait être le siège de secousses qui seraient similaire aux séismes intra-plaques terrestres. Mais avons-nous des preuves de leur existence ?

Mécanisme de formation d'une faille extensive (© droits réservés / Belin)Mécanisme de formation d'une faille extensive (© droits réservés / Belin).

Jusqu'à présent, nous n'avons jamais obtenu de données sismiques fiables permettant d'évaluer l'activité sismique de Mars. Le seul sismomètre fonctionnel jamais lancé vers la planète rouge, celui embarqué sur la sonde américaine Viking 2 en 1976, n'a malheureusement pas fourni d'informations convaincantes, à cause des perturbations causées par les vents.

Les séismes sont provoqués par l'accumulation de contraintes dans le matériau rocheux qui, lentement mais inéluctablement, finissent par aboutir à une rupture brutale. Un bloc rocheux, qui formait un volume cohérent, est soudain séparé en deux, chaque partie se déplaçant alors l'une par rapport à l'autre. La zone de rupture donne naissance à une faille, qui peut tout à fait atteindre la surface de la planète, et ce même si le séisme a eu lieu en profondeur. De part et d'autres de la faille, les blocs coulissent, parfois sur des distances impressionnantes, entraînant parfois des modifications spectaculaires du paysage.

Aujourd'hui, grâce aux nombreux satellites qui orbitent autour de la planète Mars, et qui sont équipés d'instruments toujours plus puissants et sophistiqués, nous possédons une très bonne connaissance des caractéristiques de la surface martienne. Or les images fournies par les caméras des orbiteurs montrent clairement la présence de failles, qui strient la croûte martienne comme autant de cicatrices.

Les failles martiennes

Un splendide décrochement de faille sur Mars vue par la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter (© NASA/JPL/University of Arizona) Un splendide décrochement de faille sur Mars (ligne blanche) vue par la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter (© NASA/JPL/University of Arizona).

La cartographie minutieuse des failles zébrant la surface de Mars a permis d'identifier cinq grandes périodes, réparties au cours des temps géologiques martiens, où une activité tectonique a eu lieu. La détermination de la longueur des failles, ainsi que l'estimation de leur profondeur et de la rigidité des roches ont permis d'évaluer l'énergie dégagée au cours de leur mise en place.

Le comptage des failles visibles en surface a également permis d'identifier les régions qui ont été les plus actives d'un point de vue sismique dans le passé. C'est par exemple le cas du dôme de Tharsis, cet immense bombement de la surface martienne qui supporte des volcans géants dont l'altitude dépasse les 10 kilomètres.

Lors de sa mise en place, le dôme de Tharsis a exercé des contraintes très fortes sur la croûte, qui s'est fissurée en de très nombreux endroits. L'immense balafre de Valles Marineris, un complexe de gouffres immenses de 4000 kilomètres de longueur qui ceinturent l'équateur de Mars et dont la profondeur atteint par endroit 7 kilomètres, s'est vraisemblablement ouverte suite au soulèvement provoqué par Tharsis. Valles Marineris est sans nul doute possible l'une des structures tectoniques les plus impressionnantes du système solaire, même si les canyons, une fois formés, ont été élargis par d'autres processus géologiques, comme l'érosion ou des glissements de terrains.

La planète Mars est-t-elle  agitée par des séismes ? Découvrez la réponse à cette intéressante question avec la version française des vidéos "Mars en une minute" du Jet Propulsion Laboratory (© JPL-Caltech/IPGP).

Si les géophysiciens estiment que la plupart des séismes qui ont agité Mars jusqu'à présent n'ont pas provoqué de ruptures en surface (ils passent donc inaperçus aux yeux des orbiteurs), les analyses effectuées confirment le fait que Mars a connu, et connaît sans doute encore, une activité sismique significative, dont l'ordre de grandeur est similaire à celle des séismes intra-plaques terrestres. Le sismomètre SEIS de la sonde InSight a donc de fortes chances de pouvoir observer, pour la première fois dans l'histoire de l'exploration martienne, des tremblements de Mars.

Carte altimétrique de la surface martienne montrant le dôme de Tharsis et l'immense canyon de Valles Marineris (© MOLA Team/NASA)Carte altimétrique de la surface martienne montrant le dôme de Tharsis (à gauche) et l'immense canyon de Valles Marineris (au centre). Ces deux régions ont dû connaitre par le passé une activité sismique intense (© MOLA Team/NASA).

Dernière mise à jour : 10 août 2017

Peut-on étudier des séismes avec un seul sismomètre ?

Par définition, la sismologie est une science de réseau. Aujourd'hui, notre planète est enserrée par un maillage de plus de 20 000 sismomètres, qui forme une gigantesque toile d'araignée autour du Globe et permet de localiser et de caractériser presque instantanément un séisme, quelques soient sa taille et son origine. Massivement interconnecté, ce réseau offre aux scientifiques un accès direct aux données, et facilite considérablement les interactions entre les géophysiciens du monde entier.

Quelques-unes des grandes découvertes de la sismologie ont été effectuées avec un petit nombre de stations. Ainsi, la découverte du noyau métallique terrestre par Oldham en 1906 a nécessité seulement 14 tremblements de Terre, dont les secousses ont été recueillies par quelques dizaines de stations d'écoute. Pourtant, la mise en place d'un réseau de stations est un impératif en sismologie. L'une des règles de base stipule par exemple que pour pouvoir localiser un séisme (profondeur et épicentre), il faut disposer d'au moins trois sismomètres, de manière à être capable effectuer une triangulation.

Principe de la triangulation pour localiser l'épicentre d'un séisme (© IPGP/David Ducros).Principe de la triangulation pour localiser l'épicentre d'un séisme (© IPGP/David Ducros).

Les premiers projets de sismologie planétaire, sur la Lune ou sur Mars, mettaient donc en oeuvre des réseaux de stations. Grâce aux instruments déposés sur la Lune lors des missions Apollo, les géophysiciens ont pu disposer d'un mini-réseau de cinq stations (les sismomètres déposés lors des missions Apollo 12, Apollo 14, Apollo 15 et Apollo 16, plus le gravimètre d'Apollo 17). Après la Lune, la première tentative pour atteindre le centre de la planète Mars a eu lieu en 1976, avec la mission Viking. L'expérience de sismologie s'appuyait sur deux sismomètres, un pour chaque atterrisseur, mais n'a pas donné les résultats escomptés.

Les projets martiens post-viking étaient particuliers ambitieux par rapport au nombre de stations à envoyer au sol : MESUR comportait ainsi 16 sismomètres, et Netlander projetait d'en embarquer encore quatre. En 1996, Mars 96 décolla avec deux sismomètres, mais ne put quitter l'orbite terrestre. Le fait que l'atterrisseur InSight n'embarque qu'un sismomètre montre parfaitement l'abîme qui sépare les désirs des scientifiques, qui souhaitent déployer le plus grand nombre de stations d'écoute, et les limites implacables de la réalité.

Sismologie à une seule station

Détection du noyau par propagations directe des ondes sismiques (© droits réservés)Détection du noyau par propagations directe des ondes sismiques. ¨Notez que sur l'illustration du bas, au niveau du noyau externe liquide, les ondes S se convertissent en ondes P (© droits réservés).Malgré le fait que le sismomètre SEIS soit un bijou de technologie ultra-sensible, capable de mesurer des déplacements du sol inférieur à la dimension d'un atome, il est légitime de s'interroger sur les limitations qui vont s'exercer sur l'instrument, en raison de son isolement à la surface de Mars.

En fonctionnant de manière solitaire, sans l'aide de compagnons, SEIS pourra-t-il vraiment faire avancer de manière significative notre compréhension des profondeurs de Mars, et des processus qui se déroulent dans son intérieur ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les scientifiques et ingénieurs derrière SEIS ont tout mis en oeuvre pour récupérer le plus grand nombre de données. Grâce à plusieurs astuces, qui tirent parti des spécificités de la planète Mars ainsi que des traitements informatiques sophistiquées qui seront appliquées sur les signaux, la grande majorité des limitations inhérentes à un fonctionnement solitaire, hors réseau, seront levées.

Activité sismique

Comme nous l'avons vu dans le dossier précédent, la planète Mars ne semble pas être un astre avantageux pour les études sismiques. Sur Terre, la très grande majorité des séismes sont liés à la tectonique des plaques. Or ce phénomène est absent sur Mars, et l'on peut donc s'attendre à ce que Mars soit touchée par une activité sismique environ 100 fois plus faible que l'activité terrestre. En conséquence, les séismes martiens seront moins intenses et bien moins nombreux que les tremblements de terre. Or, pour pouvoir percer les secrets de l'intérieur de Mars, l'idéal serait de pouvoir compter sur une multitude de séismes libérant une grande énergie.

En étant optimiste, les géophysiciens s'attendent à pouvoir observer, sur une année martienne, soit deux années terrestres, quelques séismes de magnitude 5 à 6. En comparaison, sur une période comparable, la Terre connaît environ 1500 séismes de magnitude 5 par année terrestre.

D'un autre côté, la planète Mars est bien plus silencieuse que la Terre : l'activité humaine y est bien évidemment nulle, et le bruit généré sur Terre par le ressac des océans est inexistant. La circulation atmosphérique peut certes poser un problème, mais en l'absence de végétation, aucun arbre ne vient conduire dans le sol les murmures du vent. Ce silence est une aubaine quand il s'agit d'écouter des séismes de faible intensité, à condition bien sûr d'avoir à sa disposition un instrument suffisamment sensible, ce qui est le cas de SEIS.

Localisation et magnitude d'un séisme

Admettons maintenant qu'un séisme se produise sur Mars, et que l'on souhaite le localiser avec la seule station d'écoute disponible en surface, SEIS. Comment pourrions-nous procéder ?

La distance entre l'épicentre, le point de la surface situé à l'aplomb de la zone d'origine du séisme (que l'on appelle le foyer), et la station réceptrice, c'est à dire InSight, peut facilement être calculée en mesurant la différence entre le temps d'arrivé des ondes P (qui parviennent en premier au sismomètre) et le temps d'arrivé des ondes S (qui arrivent en second). L'erreur n'est ici que de 10 % environ.

Pour localiser l'épicentre, outre la distance à la station, il faut également déterminer sa direction, c'est à dire son azimut. La direction dans laquelle les ondes sismiques arrivent peut-être déterminée grâce au fait que le sismomètre SEIS mesure les signaux sismiques dans les trois directions de l'espace. Grâce à l'étude des données relatives au plan horizontal fournies par les axes du sismomètre, la direction pourra être connue avec une incertitude d'environ 10°.

Enfin, la magnitude du séisme, qui mesure la quantité d'énergie qu'il a libéré, peut-être calculée en mesurant l'amplitude des mouvements du sol, et en tenant compte de la distance entre la source du séisme et le sismomètre, sachant que lorsqu'elles voyagent à l'intérieur de la planète ou en suivant la surface, les ondes sismiques finissent toujours par subir une atténuation.

Même s'il sera difficile de localiser de petits séismes, SEIS fournira quand même des données qui permettront d'assigner une secousse à une région particulière de Mars, et de permettre ainsi la corrélation avec les structures géologiques visibles en surface (failles, volcans), ainsi que les caractéristiques géophysiques à plus grande échelle.

Un petit tour et puis s'en va

Pour localiser les séismes assez importants, InSight dispose d'autres atouts dans sa paire de manches. La taille de Mars, deux fois plus petite que celle de la Terre, offre un avantage pour l'observation des séismes. La circonférence de Mars étant plus faible, les ondes sismiques ont effectivement moins de chemin à parcourir depuis le point d'émission, c'est à dire le foyer du séisme, jusqu'au récepteur. Les distances de propagation étant plus courtes, l'atténuation est moindre, car la déperdition d'énergie est plus basse.

Mesure des ondes de surface (Rayleigh) R1, R2 et R3 (© droits réservés)Circulation des ondes de surface (Rayleigh) R1, R2 et R3 (© droits réservés).Si la secousse possède une énergie suffisante (à partir d'une magnitude de 4,5), les ondes de surface peuvent même passer plusieurs fois sur le site d'atterrissage d'InSight avant de s'évanouir définitivement, suite à leur atténuation. Sur Terre, des séismes d'une magnitude au moins égale à 6 sont nécessaires pour qu'un tel phénomène soit observable, soit une différence d'environ un ordre de grandeur. Dit autrement, sur Terre, un séisme doit dégager une énergie plus de 40 fois plus forte que sur Mars pour pouvoir générer des ondes de surface capable de faire un tour complet de la planète.

L'illustration ci-contre montre la propagation des ondes de surface dans le cas d'un séisme martien. Les ondes de surface qui circulent du séisme vers l'atterrisseur InSight, et qui sont les premières à atteindre le sismomètre, sont appelées R1. Celles qui voyagent dans l'autre sens, et qui ont un parcours plus important à réaliser en surface avant de toucher l'atterrisseur, arrivent en seconde position, et sont nommées R2. Enfin, si le séisme possède une énergie suffisante (magnitude égale ou supérieure à 4,5), les ondes R1 sont capables, après le premier passage au niveau de la station, de faire un tour complet de la planète, pour repasser une seconde fois au niveau de l'atterrisseur. Ce sont les ondes R3.

Dans un tel cas de figure, la distance séparant la sonde InSight de la source du séisme, l'heure origine de ce dernier, et la vitesse moyenne à laquelle se propagent les ondes à la surface de la planète, peuvent être estimées en combinant les temps d'arrivée des ondes R1, R2 et R3. Comme précédemment, l'azimut (la direction du séisme) est estimé par l'étude des signaux enregistrés par les axes du sismomètre sur le plan horizontal. Les séismes de magnitude égale ou supérieure à 4,5 sont des événements relativement rares sur Mars, mais les géophysiciens estiment que sur la durée de la mission (une année martienne, soit deux années terrestres), il devrait être possible d'en observer entre 3 et 5 environ.

Il est important de noter que l'efficacité des techniques qui seront mises en oeuvre pour InSight a été validée sur Terre avec des données provenant de stations uniques. Ces dernières ont permis de retrouver l'un des modèles de structure interne de la Terre couramment utilisés par les géophysiciens (PREM) avec des barres d'erreur acceptables.

Il existe cependant des inconnues, et la validité de la technique résumée ci-dessus ne pourra pas être confirmée avant qu'InSight ne soit sur Mars. La planète rouge pourrait aussi nous réserver quelques petites surprises. Sur la Lune, les géophysiciens ont ainsi découvert avec étonnement que la croûte lunaire diffractait énormément les ondes sismiques, empêchant l'existence d'ondes de surface. La croûte martienne ayant été, comme la croûte lunaire, exposée à un bombardement très important d'astéroïdes au début de la formation du système solaire, sa nature pulvérisée et les nombreux cratères, présents notamment dans l'hémisphère Sud de la planète, pourraient aussi diffracter les ondes sismiques, compliquant alors fortement les analyses. L'effet est cependant heureusement moindre sur les basses fréquences auxquelles sont sensibles les sismomètres à très large bande comme SEIS.

Origine des séismes martiens

Trois scénarios possibles pour la localisation des séismes martiens : de gauche à droite répartition homogène sur le globe martien, regroupement sur les provinces volcaniques de Tharsis et Elysium, et enfin répartition hétérogène (© droits réservés) Trois scénarios possibles pour la localisation des séismes martiens : de gauche à droite répartition homogène sur le globe martien, regroupement sur les provinces volcaniques de Tharsis et Elysium, et enfin répartition hétérogène (© Knapmeyer, 2006).

Outre les séismes proprement dit, d'autres sources d'ondes sismiques viendront aider le sismomètre SEIS dans sa démarche d'investigation des profondeurs de la planète rouge. Que ce soit sur Terre ou sur Mars, ces planètes sont encore aujourd'hui exposées à un flux de météorites, qui proviennent pour la plupart de la ceinture d'astéroïdes. L'étude d'images à haute résolution de la surface martienne, fournies par les sondes Mars Global Surveyor et maintenant Mars Reconnaissance Orbiter, a permis de repérer plusieurs cratères d'impact très récents, causés par la chute de météorites de tailles diverses. Avec un peu de chance, quelques impacts généreront un front d'ondes sismiques suffisamment puissant pour venir éclairer l'intérieur de la planète.

Il est également possible, bien que peu probable, que des événements volcaniques puissent donner naissance à une activité sismique. Même si certaines régions de Mars étaient encore volcaniquement actives il y a tout juste 10 millions d'années, aucune éruption ou manifestation hydrothermale n'a jamais été détectée en surface. Pourtant, il est possible qu'en profondeur, une activité magmatique subsiste, et que des magmas continuent de se déplacer dans des boyaux ou des chambres souterraines.

Comme nous le verrons plus loin, la circulation continuelle de l'atmosphère autour du globe martien finit par faire entrer ce dernier en résonance. Le murmure sismique provoqué de cette manière, que les géophysiciens nomment "hum", est très subtil, tout en étant audible par des instruments sensibles aux très basses fréquences comme SEIS. L'étude de ces modes propres (voir ci-dessous) offrira des perspectives très intéressantes pour l'étude du manteau de Mars.

Mars est accompagnée dans sa course autour du Soleil par deux satellites, Phobos et Deimos. S'ils sont bien plus petits que notre lune, ils sont néanmoins liées de manière gravitationnelle à Mars, et attirent la planète rouge à eux, certes de façon très discrète. Phobos, le satellite le plus volumineux et le plus proche de la surface, provoque des déformations du sol qui sont mesurables par le sismomètre SEIS. L'étude de ces forces de marées, qui s'exercent ici non pas sur des étendues d'eau, mais sur des corps rocheux, pourrait fournir des informations critiques sur le noyau de Mars.

Pour terminer ce tour d'horizon des phénomènes sur lesquels InSight pourra s'appuyer pour réaliser sa mission, notons les interactions entre la surface et l'atmosphère. Au niveau du site d'atterrissage, l'activité éolienne va produire un bruit micro-sismique qui va perturber les signaux collectés par le sismomètre, mais que les géophysiciens, qui sont décidément plein de ressources, pourront néanmoins exploiter pour sonder les premières centaines de mètres sous la surface.

Enfin, si l'expérimentation SEIS est par nature passive, c'est à dire que les ondes sismiques nécessaires à l'étude des profondeurs de Mars sont générées par des phénomènes naturels, sans intervention de l'homme, des mesures actives seront toutefois réalisées durant la pénétration de la foreuse de l'instrument HP3 dans le sol. Les secousses provoquées par l'avancée saccadée du pénétrateur pourraient effectivement aider SEIS à déterminer ce qui se cache à proximité des pieds même de l'atterrisseur.

Bien entendu, ces mesures actives seront un cran en dessous de celles que l'on réalise sur Terre en utilisant des camions vibreurs en milieu terrestre ou des canons à air en milieu marin. Elles ne pourront pas non plus se comparer à celles effectuées sur la Lune lors du crash contrôlé d'étages de fusées ou de modules lunaires. Cependant, dans le spatial, rien ne se perd, et la moindre occasion est mise à profit par les scientifiques pour acquérir des données supplémentaires. C'est pourquoi les vibrations générées par le fonctionnement de l'instrument HP3 joueront elles aussi un rôle, ténu mais non négligeable, dans la détermination de la structure de surface de la planète rouge.

Etude de la croûte : dispersion des ondes de surface et fonction récepteur

L'un des objectifs majeurs d'InSight est de mesurer l'épaisseur de la croûte martienne, et d'identifier la présence de discontinuités, c'est à dire l'existence de couches présentant des différences de composition et de structure (strates de lave, lentilles de glace, etc.), qui influenceront la vitesse de propagation des ondes sismiques.

Pour atteindre cet objectif, les géophysiciens disposent de plusieurs outils. L'étude de la réflexion des ondes sismiques au sein de la croûte sera particulièrement utile, tout comme les techniques d'analyse de la dispersion des ondes de surface, ou celles dites de fonction récepteur.

La technique d'analyse de la dispersion des ondes de surface est un outil assez puissant pour sonder la croûte d'une planète. Lorsqu'un paquet d'ondes sismiques progresse au sein de l'écorce, suite à un séisme, les ondes de basse fréquence avancent plus vite, et échantillonnent des profondeurs plus importantes. À l'inverse, les ondes de plus haute fréquence voyagent moins vite, et tendent à rester un peu plus groupées en surface.

En analysant cette variation des vitesses de propagation des ondes en fonction de leur fréquence - appelée phénomène de "dispersion" -, les géophysiciens peuvent ainsi obtenir de nombreuses informations significatives sur la structure de la croûte rocheuse superficielle d'une planète, voire du manteau sous-jacent si des basses fréquences sont mesurables. Cette technique est particulièrement sensible aux changements d'épaisseur. Ainsi, une variation d'épaisseur de seulement 10 % au niveau de la croûte induit des changements de 5% dans les différents groupes de vitesse.

La technique dite de "fonction récepteur" permet quant à elle d'augmenter le rapport signal sur bruit en étudiant les échos présents dans les signaux sismiques. Il s'agit surtout d'identifier des ondes ayant subies des conversions (par exemple, conversion d'une onde P en onde S) au passage des interfaces. Ces ondes généralement peu énergétiques nécessitent des sommations des signaux pour les faire sortir du bruit de fond, et pouvoir les visualiser.

Les impacts de météorites, et les déformations de la surface causées par les perturbations atmosphériques fourniront également des informations importantes sur la croûte martienne.

Etude du manteau

Le manteau martien, en particulier le manteau supérieur, jusqu'à une profondeur d'environ 600 kilomètres, sera sondé grâce aux ondes sismiques de volume, capables de traverser la planète (ondes P et ondes S). La technique d'analyse par dispersion des ondes de surface vue précédemment pourrait aussi se révéler utile.

Les oscillations lentes et naturelles de la planète Mars, que les géophysiciens appellent les modes propres, seront aussi mises à profit. La planète Mars, comme la Terre, peut effectivement se mettre à résonner comme une cloche si elle est excitée par un séisme important, ou plus subtilement, par la circulation continuelle de l'atmosphère. Les géophysiciens peuvent dégager, à partir des modes propres, tout un tas d'informations pertinentes sur la structure et la composition du manteau. L'un des grands avantages des modes propres est que la connaissance de la localisation de la source des ondes sismiques n'est pas nécessaire. Seuls des instruments à très large bande, comme le sismomètre SEIS, possèdent cependant la capacité d'entendre le murmure à très basse fréquence des modes propres.

Les séismes capables d'exciter les modes propres de Mars et de faire résonner la planète seront relativement rares. Leur magnitude devra au moins être égale à 5,5. Sur la durée de la mission d'InSight, une ou deux secousses de ce type sont attendues, ce qui est peu. L'avantage, c'est que l'énergie transmise ici à la planète sera assez forte pour faire sortir les oscillations du bruit de fond de l'appareil.

Au contraire des grands séismes, l'excitation des modes propres provoquée par la turbulence atmosphérique est continue dans le temps. Cependant, en termes de contenu énergétique, elle se situe en dessous du seuil de détection du sismomètre SEIS. Un cumul des données effectué sur au moins plusieurs mois d'observation sera alors nécessaire pour pouvoir bénéficier de l'excitation atmosphérique, et pouvoir regarder à l'intérieur de la fenêtre que ce phénomène très subtil ouvre sur les profondeurs de la planète rouge.

Etude du noyau

Trois modèles de noyau pour la planète Mars (© droits réservés)Trois modèles de noyau pour la planète Mars. De gauche à droite : noyau externe liquide et graine solide, noyau liquide de grand diamètre et noyau liquide de petit diamètre (© droits réservés).Bien qu'étant situé au centre de la planète, à des profondeurs très importantes, le noyau de Mars reste quand même à portée du sismomètre SEIS d'InSight.

Son étude est effectivement possible par le suivi des ondes sismiques qui se propageront à l'intérieur du globe martien (les ondes de volume), et qui viendront se réfléchir à la surface du noyau, comme dans un miroir, pour repartir ensuite vers le haut.

L'étude fine de la rotation de Mars par l'expérience de géodésie RISE permettra également d'identifier l'état, liquide ou solide, dans lequel se trouve le noyau, et d'estimer sa taille. Sur ces deux aspects, les marées du satellite Phobos serviront de confirmation.

Dernière mise à jour : 27 février 2018

Source naturelle d'ondes sismiques, les impacts de météorites seront un allié précieux d'InSight

Impact récent à la surface de Mars (© NASA/JPL/University of Arizona)Impact récent à la surface de Mars (© NASA/JPL/University of Arizona).

Pour sonder les profondeurs de Mars et déterminer sa structure interne, la mission InSight repose d'abord et avant tout sur la vie sismique de la planète.

Même si les sismologues s'attendent à un niveau d'activité sismique bien plus faible que sur Terre, ces derniers espèrent néanmoins pouvoir surprendre quelques séismes durant la mission, et profiter des ondes sismiques émises par les secousses pour percer les mystères de l'intérieur planétaire martien.

Cependant, il est tout à fait possible que Mars ait cessé définitivement de trembler, ayant épuisé toute sa chaleur interne. La planète rouge peut effectivement être morte géologiquement, globe rocheux froid et immobile circulant autour du Soleil. Cette situation, plausible, est prise en compte par les scientifiques impliqués sur la mission InSight. Dans ce cas, un phénomène céleste sera mis à profit pour pouvoir malgré tout sonder l'intérieur de Mars : les impacts d'astéroïdes.

Impacts et collisions

Il y a des milliards d'années, lorsque Mars et la Terre se sont formées dans la nébuleuse de gaz et de poussière qui entourait le jeune soleil, leur surface était continuellement bombardée par des nuées d'astéroïdes et de comètes, qui laissaient alors des cicatrices spectaculaires sous la forme de cratères.

Aujourd'hui, les cieux sont heureusement devenus bien plus calmes, mais il arrive encore parfois que la Terre rencontre sur sa trajectoire autour du Soleil des fragments rocheux vagabondant sans but dans l'espace interplanétaire. S'ils sont suffisamment massifs, ces roches traversent alors l'atmosphère dans une traînée de feu et atteignent la surface sous la forme de météorites. Rares et très convoités, ces cailloux célestes font alors le bonheur des scientifiques ou des collectionneurs privés.

Impact récent à la surface de Mars (© NASA/JPL/University of Arizona)Impact récent à la surface de Mars (© NASA/JPL/University of Arizona).

Notre planète n'a pas l'exclusivité des chutes de météorites. Ces pierres du ciel échouent également sur Mars, et les véhicules d'exploration en action sur la planète rouge, comme Opportunity ou Curiosity, les croisent parfois sur leur route. Les rovers s'arrêtent alors pour prendre des photos et effectuer quelques analyses chimiques, avant de reprendre rapidement leur chemin. La priorité de ces missions est effectivement d'abord et avant tout d'étudier les roches martiennes, et les météorites ne sont vues que comme d'amusantes curiosités.

Pour InSight, les météorites qui tombent sur Mars vont prendre une tout autre importance, car chaque impact sera susceptible de générer des ondes de choc tant attendues par les sismologues.

Pour bien comprendre l'utilité des impacts de météorites pour la mission Insight, il est nécessaire d'étudier un peu plus en détail le déroulement d'un impact, sachant qu'il existe des différences selon que la météorite tombe sur Terre, la Lune ou Mars.

Dynamique d'un impact

Lorsqu'un astéroïde s'abîme sur notre planète, il frappe les couches denses de l'atmosphère à une vitesse vertigineuse, plus de dix kilomètres par seconde. La friction avec l'air provoque un échauffement considérable du bolide, à tel point que la plupart sont complètement volatilisés avant d'atteindre le sol. La chute d'un impacteur produit donc d'abord et avant tout une onde de choc sonore qui se propage vers l'avant et frappe violemment le sol, en laissant une trace très visible sur les sismogrammes.

Si l'impacteur ne s'est pas totalement consumé durant la traversée de l'atmosphère, une partie de sa masse peut atteindre la surface et creuser un cratère. L'énergie dégagée par la collision donne alors naissance à de nouvelles ondes de choc, différentes de celle générées par le blast atmosphérique, mais tout aussi intéressantes à recueillir et étudier.

Mécanisme d'un impact d'astéroïdes : comparaison entre La Terre, la Lune et Mars (© IPGP/David Ducros).Mécanisme d'un impact d'astéroïdes : comparaison entre La Terre, la Lune et Mars (© IPGP/David Ducros).

Le mécanisme que nous venons de décrire varie cependant avec la nature du corps planétaire. Ainsi, la Lune, totalement dépourvue d'atmosphère, n'oppose évidemment aucune résistance aux chutes de météorites. Ces dernières parviennent intactes à la surface et frappent alors le sol sélène de toute leur masse. Le réseau de stations sismiques déposé sur la Lune par les astronautes des missions Apollo a permis de détecter plusieurs milliers d'impacts de météorites, qui ont aidé à la caractérisation des profondeurs de notre satellite. Ces impacts ont représenté environ 20 % des séismes observés par le réseau sismique Apollo.

Mécanisme de formation d'un cratère d'impact (© droits réservés/Belin)Mécanisme de formation d'un cratère d'impact (© droits réservés/Belin).Avec une atmosphère très ténue de dioxyde de carbone (6 mbars de pression en moyenne, soit une valeur presque 200 fois inférieure à celle de l'atmosphère terrestre), la planète Mars constitue un cas intermédiaire entre la Terre et la Lune.

Sur cette planète, la chute d'une météorite s'accompagne à la fois d'une onde de choc qui se propage dans l'air, et d'une vague d'ondes sismiques liées à l'impact proprement dit avec la surface et l'excavation d'un cratère.

Si, à cause de sa nature concassée, le sol martien pourrait atténuer de manière significative l'onde de choc atmosphérique, les vagues d'énergie occasionnées par l'impact avec la surface pourraient en revanche voyager en surface sur des distances assez importantes, et être mises à profit pour la détermination de la structure interne de Mars.

La principale problématique est liée à l'énergie dégagée par l'impact. Statistiquement, les petits impacts, qui creusent des cratères de quelques mètres de diamètre seulement, sont bien plus nombreux que des impacts capable d'excaver un cratère de 100 mètres d'envergure. Or, ce sont surtout ces derniers qui sont intéressants, à cause de l'énergie qu'ils libèrent. Les petits impacts sont moins susceptibles d'être détectés, et de permettre de sonder l'intérieur profond planétaire.

Sur Mars, un impact capable de creuser un cratère de 100 mètres de diamètre survient environ tous les 10 ans. Il est donc très peu probable que sur la totalité de sa mission, la sonde InSight soit en mesure d'assister à un tel événement. A moins d'avoir beaucoup de chance, il faudra plutôt compter sur des impacts plus timides, qui n'éclaireront que la structure de la proche surface située entre la sonde et le cratère.

Localisation précise du foyer des séismes

Outre le fait qu'ils peuvent générer des ondes sismiques similaires à celles dégagées par les séismes conventionnels, et tout aussi utilisables pour le sondage des profondeurs planétaires, les impacts présentent également un second avantage.

Equipée d'un seul sismomètre, InSight ne peut pas trianguler un séisme pour localiser son épicentre. La position d'un séisme sur le globe martien, ainsi que sa profondeur, ne seront donc pas connus avec une grande précision.

Une météorite de fer découverte par le rover Curiosity dans le cratère d'impact Gale (© NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/LPGNantes/CNRS/IAS/MSSS)Une météorite de fer découverte par le rover Curiosity dans le cratère d'impact Gale (© NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/LPGNantes/CNRS/IAS/MSSS).La situation est bien différente dans le cas des impacts, car ces derniers laissent des cicatrices visibles sur la croûte martienne.

L'un des satellites en orbite autour de Mars, la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter, est équipé d'un télescope très puissant, qui peut prendre des images à haute résolution de la surface de Mars. Depuis son arrivée, Mars Reconnaissance Orbiter et d'autres orbiteurs ont déjà identifié plusieurs centaines d'impacts météoritiques ayant eu lieu au cours des dernières décennies.

Le scénario suivant pourra donc avoir lieu. Un impact météoritique se produit dans la région ou la sonde InSight s'est posée. Le choc libère des ondes sismiques qui atteignent l'atterrisseur, et qui sont enregistrées par le sismomètre SEIS. Traités informatiquement, les signaux sismiques permettent de situer approximativement la position de l'impact. Les coordonnées sont transmises à la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, qui effectue alors plusieurs survols pour photographier la région cible.

L'objectif est d'identifier à la surface les traces d'un impact. Cette opération n'est cependant possible que si le secteur a déjà été imagé auparavant. Effectivement, si un impact apparaît sur une image, il ne sera pas possible de savoir s'il vient effectivement de se produire, ou si au contraire il date de plusieurs années, en étant passé inaperçu.

Vue d'artiste d'un impact frappant la surface de Mars. Au premier plan, on aperçoit l'un des patins d'atterrissage de la sonde InSight, ainsi que le bouclier WTS protégeant le sismomètre SEIS (© IPGP/Manchu/Bureau 21).Vue d'artiste d'un impact frappant la surface de Mars. Au premier plan, on aperçoit l'un des patins d'atterrissage de la sonde InSight, ainsi que le bouclier WTS protégeant le sismomètre SEIS (© IPGP/Manchu/Bureau 21).

En préparation de l'arrivée d'InSight, Mars Reconnaissance Orbiter a donc entamé un travail de fourmis : le quadrillage d'une région d'environ 5000 km2 autour du site d'atterrissage. La cartographie effectuée servira de référence pour l'identification de nouveaux impacts.

Collaboration entre InSight et Mars Reconnaissance Orbiter pour la localisation d'une source sismique de type impact (© IPGP/David Ducros)Collaboration entre InSight et Mars Reconnaissance Orbiter pour la localisation d'une source sismique de type impact (© IPGP/David Ducros).

Ainsi, si dans le secteur pointé par le sismomètre SEIS, un cratère d'impact est apparu sur une surface auparavant vierge, la position de la source des ondes sismiques aura été déterminée, et ce avec une précision étonnante. Les algorithmes mathématiques utilisés pour traiter les signaux enregistrés par le sismomètre seront affinés, ce qui rendra les futures opérations de localisation d'autant plus fiables.

En documentant le flux d'impacts qui frappe aujourd'hui la surface de Mars, InSight permettra également d'affiner la datation des terrains martiens (la règle de base étant que plus un terrain est vieux, plus il est porteur de cratères, et plus ces derniers sont imposants). Le danger représenté par les chutes de météorites pour les missions habitées sera également mieux qualifié. Notons cependant pour terminer qu'InSight ne pourra mesurer le flux de météorites qu'en termes d'événements (nombre d'impacts par année), et non de la masse déposée au sol par les impacts.

Dernière mise à jour : 4 avril 2018

Les forces de marées exercées par le satellite Phobos donneront accès au coeur de Mars

La planète Mars est accompagnée dans son voyage autour du Soleil par deux petites lunes très irrégulières, Phobos et Deimos. La première, Phobos, mesure environ 27 kilomètres dans sa plus grande dimension, tandis que Deimos est encore plus petite, avec un grand axe de seulement 15 kilomètres.

Les deux lunes ressemblent à s'y méprendre à des astéroïdes : leur surface est d'un gris très sombre presque noir, très cratérisée, et elles possèdent une forme patatoïde. Au premier abord, elles semblent donc bien différentes de notre satellite, sphérique et beaucoup plus grand. Pourtant, les deux satellites de Mars partagent un point commun avec la Lune : ils sont gravitationnellement liés à la planète autour de laquelle ils orbitent, et exercent donc des forces de marées.

Les forces de marées

La lune martienne Phobos (© NASA)Phobos, l'une des deux lunes de Mars (© NASA).

Lorsque l'on parle de marées, la première image qui vient à l'esprit est celle d'une plage de sable fin sur laquelle les eaux d'une mer ou d'un océan s'avancent, pour ensuite refluer vers le large. Ce que l'on sait moins, c'est que ce phénomène régulier, qui rythme sur Terre de nombreuses activités, est dû à l'influence qu'exercent les corps stellaires et planétaires, principalement le Soleil et la Lune, sur les masses liquides.

Malgré la distance qui la sépare de la Terre, quelques 384 400 kilomètres, notre satellite déploie autour de lui un champ de gravité. Ce dernier enserre notre planète dans des griffes invisibles, avec une conséquence étonnante.

L'effet est particulièrement notable au niveau des océans et des mers, à cause de leur nature liquide. À leur niveau, les marées atteignent des amplitudes qui se mesurent en mètre. Lorsque la lune passe au-dessus des continents, ces derniers se bombent également, mais de manière bien plus subtiles que les étendues d'eau : la déformation est seulement millimétrique, parfois centimétrique.

Depuis une orbite située à 6000 km de la surface de Mars, et malgré sa petite taille, Phobos exerce lui aussi des forces de marées sur la planète rouge. Sa présence déforme de manière très subtile la planète, qui grandit de quelques fractions de millimètres le long d'un bombement qui suit Phobos dans sa course.

Mécanisme d'action de la force d'attraction de la lune Phobos sur Mars (© IPGP/David Ducros).Mécanisme d'action de la force d'attraction de la lune Phobos sur Mars (© IPGP/David Ducros).On pourrait penser que le bourrelet lié à l'attraction qu'exerce Phobos sur Mars se déplace exactement à l'aplomb du satellite, mais les choses sont en fait un peu plus compliquées. Le bombement ne se produit pas exactement lorsque Phobos survole une région donnée, mais il apparaît au contraire avec un certain retard. Ce décalage est dû au fait qu'une partie de l'énergie transmise par Phobos est absorbée par la planète Mars.

Comme la loi de conservation de l'énergie s'applique à la danse céleste qui unit Mars et Phobos, l'échange d'énergie entre la petite lune et la planète rouge a une conséquence importante sur l'orbite de la première. Chaque année, Phobos chute en moyenne de un centimètre. Lentement mais inexorablement, la lune tombe donc sur Mars.

Dans plusieurs dizaines de millions d'années, Phobos sera tellement proche de la planète rouge qu'il sera littéralement mis en pièce par les forces implacables de marées. Lorsque le satellite franchira la limite de Roche, les forces de marée surpasseront les forces de cohésion interne de la Lune, et celle ci sera disloquée. Une pluie de fragments s'abattra alors sur Mars, tandis que la plus grande partie des résidus émanant de la destruction du satellite formera peut-être un anneau de matière autour de la planète rouge.

Phobos : le joker de la mission InSight

Phobos au-dessus de la surface martienne (© NASA)Phobos au-dessus de la surface martienne (© NASA).

Phobos présente un intérêt tout particulier pour la mission InSight. Le sismomètre SEIS embarqué par cette sonde est en effet suffisamment sensible pour pouvoir détecter et mesurer l'infime attraction que Phobos exerce sur la planète Mars à chacun de ses passages au-dessus du site d'atterrissage d'Elysium.

Phobos est d'autant plus intéressant que sa révolution autour de Mars n'est pas reliée à d'autres phénomènes, comme le cycle jour/nuit. Le petit satellite effectue un tour complet de la planète en 7 heures et 39 minutes, et passe donc trois fois par jour au-dessus de la même région.

Le signal de Phobos sera surtout sensible sur l'axe vertical du sismomètre. La déformation liée aux forces de marée est pourtant tellement faible que dans un premier temps, elle ne pourra pas être distinguée du bruit propre de l'instrument.

Cependant, en superposant des données sur de nombreux mois ou mieux une année entière, les sismologues devraient être en mesure d'extraire et de quantifier les forces de marées émanant de Phobos. Cette expérience est la plus délicate de toute la mission. Pour que l'influence de Phobos soit perceptible, il faudra que le niveau de bruit reste dans des limites acceptables. S'il est dix fois plus important que le signal à capturer, il ne sera pas possible de sortir ce dernier, même en intégrant les mesures sur de longues périodes de temps.

Accès au noyau martien

La caractérisation de la marée de Phobos permettra de sonder les profondeurs de Mars, et en particulier le noyau. Selon que ce dernier sera liquide ou solide, il ne se déformera pas de la même manière. Son rayon pourra également être déterminé à 60 kilomètres près, sachant que les données obtenues compléteront également celles fournies par l'expérience de géodésie RISE.

Même si la chance fait défaut à InSight et qu'aucun événement sismique, tremblement de Mars ou impacts de météorites ne se produit au cours de la durée de la mission, la sonde pourrait donc néanmoins remplir une partie de ses objectifs grâce à Phobos.

Dans le domaine de l'exploration spatiale, les scientifiques tentent au maximum de tirer parti de chaque phénomène, même les plus subtils. Bien qu'orbitant à plusieurs milliers de kilomètres du sol de Mars, le plus gros des deux satellites de Mars pourrait donc apporter une contribution significative à l'étude de la structure interne de Mars.

Dernière mise à jour : 18 septembre 2017

Les perturbations atmosphériques

Vue d'artiste d'une tempête de poussière sur Mars passant à proximité de la sonde InSight (© IPGP/Manchu/Bureau 21).Vue d'artiste d'une tempête de poussière sur Mars passant à proximité de la sonde InSight (© IPGP/Manchu/Bureau 21).

Contrairement à la Terre, les sources de bruits capables de perturber l'acquisition des signaux sismiques sont limitées sur Mars.

La planète rouge ne possède effectivement pas d'océans ou de mers, source majeure de bruit sur notre planète, et l'activité humaine est bien entendu réduite à zéro. Cependant, un autre acteur va compliquer le travail du sismomètre SEIS de la sonde InSight : l'atmosphère.

L'interaction de l'atmosphère martienne avec le sol va effectivement laisser sa marque sur les enregistrements sismiques. En première approximation, ce phénomène peut être vu de manière négative, comme une source de perturbations contre lesquelles on ne peut rien ou presque. Certes, le sismomètre SEIS sera placé sous un bouclier de protection éolien, le WTS, qui bloquera efficacement la plupart des effets du vent, sans pouvoir toutefois les annuler totalement. L'activité atmosphérique a aussi d'autres effets indirects, qu'il n'est pas possible de contrer. On peut les classer en deux grandes catégories.

Le lancinant murmure de Mars

Le premier est dû à la circulation atmosphérique globale. L'air martien, en se déplaçant sans cesse autour du globe martien, est effectivement capable d'exciter la planète, et de la faire vibrer comme une cloche, à des fréquences bien précises.

Les géophysiciens appellent ce phénomène le "hum" de la planète, une sorte de bourdonnement persistant, que seul des sismomètres sensibles aux longues périodes comme SEIS peuvent entendre.

Malgré le fait que ce murmure lancinant puisse être considéré comme un bruit de fond parasite, il intéresse particulièrement les géophysiciens. Grâce à lui, il sera en effet possible de sonder les couches superficielles du sol martien, sur des profondeurs de plusieurs dizaines de mètres à quelques centaines de kilomètres (accès au manteau), et ce même en l'absence de séismes.

Certains phénomènes météorologiques d'ampleur, comme les impressionnantes tempêtes de poussière qui recouvrent parfois totalement le globe martien sous un voile opaque et impénétrable, sont susceptibles d'exciter de manière significative la planète, et de générer un "hum" bien mesurable par SEIS.

Vue orbitale d'une tempête de poussière à proximité du grand canyon de Valles Marineris (© NASA)Vue orbitale d'une tempête de poussière à proximité du grand canyon de Valles Marineris (© NASA).

La dernière tempête de poussière globale a eu lieu au cours de l'année 2007, et ces événements se répètent selon un cycle d'environ 3 années martiennes (soit environ 6 années terrestres).  En novembre 2018, InSight atterrira dans une période favorable au développement des tempêtes de poussière, et il est possible que la sonde soit le témoin de ce phénomène spectaculaire.

Durant une tempête globale, la baisse significative de l'ensoleillement, ainsi que le dépôt de poussière sur les panneaux solaires, peuvent facilement mettre en danger un atterrisseur, mais InSight a été conçu pour survivre à ce type de calamité.

Turbulences et tourbillons de poussière (dust devil)

La seconde source atmosphérique de bruits micro-sismiques est locale au site d'atterrissage. Il s'agit des effets produits par des bourrasques, ou l'arrivée d'un tourbillon de poussière (dust devil) à proximité de la sonde.

Dans les deux cas, l'air martien va exercer une charge ou une décharge sur le sol. Un tourbillon de poussière de 10 mètres de diamètre exerce ainsi une diminution de pression sur le sol équivalent à celle qui se produirait si on ôtait de la surface une petite voiture qui aurait été garé là.

La déformation statique de la surface va affecter le sismomètre, en particulier les pendules qui mesurent les déplacements horizontaux. Si le sol bouge bien verticalement, l'effet est effectivement maximal sur les composantes horizontales de l'instrument.

Simulation des déformations du sol autour de l'atterrisseur InSight (© IPGP/David Ducros).Simulation des déformations du sol autour de l'atterrisseur InSight suite au passage d'un dust devil (© IPGP/David Ducros).

En appuyant avec plus ou moins de force, l'atmosphère va donc induire de très légères inclinaisons de la surface, que SEIS ne manquera pas d'enregistrer. Tout se passe comme si l'atmosphère ne cessait de jouer du tambour avec le sol, et que de multiples variations de pressions, similaires à des doigts,  tapotaient en permanence de manière désordonnée sur la surface de la planète rouge.

Le passage d'un tourbillon de poussière ou d'une turbulence a également un autre effet : la création d'une onde acoustique, qui va se propager dans l'air, et d'une onde de surface de haute fréquence, qui va suivre le sol martien.

Là encore, ces deux ondes apparaîtront dans les sismogrammes. L'instrument pourra donc voir "arriver" une turbulence ou un tourbillon de poussière (que ce dernier soulève ou non de la poussière, et donc soit visible ou non par les caméras techniques de l'atterrisseur), et suivre la manifestation jusqu'à son éloignement et sa disparition.

Tourbillon de poussière (dust devil) photographié par la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter sur les étendues mornes d'Amazonis Planitia (© NASA/JPL/University of Arizona)Tourbillon de poussière (dust devil) photographié par la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter sur les étendues mornes d'Amazonis Planitia (© NASA/JPL/University of Arizona).

Une confirmation du passage d'un tourbillon de poussière au voisinage de l'atterrisseur InSight pourrait être ensuite apportée par le satellite Mars Reconnaissance Orbiter, qui possède une puissante caméra capable de distinguer la trace au sol laissée par les trombes miniatures qui zigzaguent librement à la surface de Mars. Le capteur de pression ultra-sensible qui équipe la station météorologique de la sonde fournira également des données précieuses.

La bonne nouvelle, c'est qu'en analysant les perturbations dues à l'atmosphère autour du site d'atterrissage, à la fois sur des basses et hautes fréquences, les géophysiciens vont pouvoir virtuellement pénétrer le sous-sol sur quelques centaines de mètres, et étudier ses propriétés : profondeur du régolite, cette couche de sol pulvérisée par le choc d'innombrables impacts d'astéroïdes et de météorites, mais aussi détection de discontinuités entre des couches de matériau aux propriétés physiques différentes, estimation de l'élasticité (qui dépend de la composition des roches), etc. Ou comment faire d'un inconvénient une aubaine.

Dernière mise à jour : 1er février 2018

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