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Trouver le nord sur Mars

Le sismomètre SEIS est équipé d'une boussole solaire pour trouver le nord géographique

Malgré l'incroyable complexité des sondes martiennes déposées à la surface de Mars, trouver la position du pôle nord géographique sur la planète rouge n'est pas une mince affaire. Pour pouvoir utiliser le sismomètre SEIS avec toute la précision requise, les sismologues ont impérativement besoin de connaître son orientation au sol, après sa dépose par le bras robotique d'InSight le 19 décembre 2018. Mais sur Mars, impossible d'utiliser une boussole conventionnelle.

Le cadran solaire du sismomètre SEIS vu par la caméra IDC du bras robotique (© NASA/JPL).Le cadran solaire du sismomètre SEIS vu par la caméra IDC du bras robotique au cours du sol 25. Notez l'ombre du gnomon sur la mire. L'image a été prise un peu avant 16H00 heure locale (© NASA/JPL).

Contrairement à la Terre, la planète rouge ne possède effectivement plus de champ magnétique global. En 1997, durant ses manœuvres d'aérofreinage, la sonde américaine Mars Global Surveyor avait détecté une activité magnétique sur Mars, mais cette dernière s'est avérée n'être que fossile. De nombreux secteurs des terrains les plus anciens de la planète, situés dans l'hémisphère sud, gardent effectivement les traces de la présence d'un champ magnétique global, mais cette magnétisation n'est plus que l'ombre d'elle-même.

Les analyses des rémanences magnétiques imprimées dans la croûte martienne montrent que le champ magnétique martien s'est effectivement éteint il y a environ 4 milliards d'années, sans que l'on sache pour l'instant pourquoi. La disparition du bouclier magnétique qui protégeait Mars contre les assauts délétères du bombardement solaire et cosmique constitue d'ailleurs l'un des grands mystères de la planète rouge, auquel la mission InSight devrait apporter une réponse.

D'un point de vue plus pratique, l'absence de champ magnétique global sur Mars pose un problème de taille quand on désire s'orienter. Bien entendu, Mars ne possède pas non plus un réseau de satellites GPS comme ceux existant sur Terre. Dans ces conditions, comment trouver le nord ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les scientifiques vont s'appuyer sur une technique ancestrale : l'utilisation d'un cadran solaire, converti en boussole.

Le cadran solaire de SEIS

Dans la Babylone antique, les hommes utilisaient déjà l'ombre portée d'un bâtonnet planté dans le sol pour déterminer l'heure. Des dizaines de siècles plus tard, InSight va employer cette technique sur la planète rouge. Au sommet de la protection thermique hexagonale cuivrée (RWEB) qui entoure le sismomètre SEIS se trouve effectivement une mire, au centre de laquelle se situe la poignée de capture, qui a permis le déploiement de l'instrument au sol par le grappin du bras robotique, et qui joue aussi le rôle de gnomon.

Au sommet de la protection thermique RWEB qui entoure le sismomètre SEIS, le crochet de préhension sert aussi de gnomon. L'ombre portée de la tige sur la mire permettra de connaître la direction et la hauteur dans le ciel du Soleil, et d'en déduire la position du nord géographique de Mars (© IPGP/David Ducros).Au sommet de la protection thermique RWEB qui entoure le sismomètre SEIS, le crochet de préhension sert aussi de gnomon. L'ombre portée de la tige sur la mire permettra de connaître la direction et la hauteur du Soleil dans le ciel, et d'en déduire la position du nord géographique de Mars (© IPGP/David Ducros).

La mire du cadran solaire de SEIS se compose de trois zones circulaires. La plus externe comporte 72 secteurs espacés chacun de 5°, et qui couvrent donc 360°. La zone intermédiaire possède le même nombre de secteurs, mais ceux-ci sont décalés de 2,5°. Enfin, la zone la plus interne est elle aussi décalée de 2,5° par rapport à la précédente (c'est à dire le cercle du milieu).

D'une hauteur de 28,7 mm, le gnomon de SEIS possède une forme particulière (un petit cylindre conique terminé par une demi-sphère), adaptée à sa fonction première, la capture du sismomètre par le bras robotique IDA de la sonde InSight, mais qui n'est pas si idéale que cela pour la lecture de son ombre portée. Sa forme a néanmoins été savamment modifiée pour améliorer son rôle de gnomon. La boussole solaire dans son ensemble a été conçue par David Mimoun (ISAE/SUPAERO) et Ken Hurst (JPL), puis réalisée par Nicholas Onufer et Michele Wallace (JPL).

La position de l'ombre portée du gnomon, qui peut tomber sur les différentes zones de la mire en fonction du temps permet de déterminer la hauteur et la direction (azimut) du soleil dans le ciel martien, et donc l'heure solaire locale martienne. Bien qu'étant un dispositif d'une très grande simplicité, le cadran solaire d'InSight peut cependant fournir d'autres informations cruciales. Indépendamment des inclinomètres du berceau de mise à niveau, il peut ainsi permettre de déterminer l'inclinaison du sismomètre par rapport au sol, et, plus important encore, l'orientation de ce dernier par rapport au nord géographique (une donnée qui est donc essentielle pour l'interprétation des signaux sismiques).

Le cadran solaire de SEIS fonctionnera pendant une durée très limitée sur Mars. Il deviendra effectivement inutilisable lorsque le sismomètre sera recouvert par le bouclier de protection éolien et thermique WTS.

La détermination du nord martien

La mire et le gnomon du sismomètre SEIS (© Denis Savoie/ Marc Goutaudier).Simulation numérique de la mire et le gnomon du sismomètre SEIS. On distingue les trois zones décalées chacune de 2,5° et constituée de 72 secteurs. Les petits cercles en bas à droite et en haut à gauche situés à l'extérieur de la mire permettent de corriger les images de la caméra IDC des effets de la parallaxe (© Marc Goutaudier).

Pour déterminer avec précision la position du nord géographique de la planète rouge, et donc l'orientation du sismomètre SEIS, plusieurs images du cadran solaire vont être obtenues à des heures précises par la caméra IDC du bras robotique d'InSight. Un cliché sera ainsi pris à midi, un autre lorsque le soleil sera plus bas sur l'horizon, les ombres au sol étant alors plus longues. L'un des spécialistes mondiaux des cadrans solaires, le français Denis Savoie, s'est spécialement déplacé au Jet Propulsion Laboratory (JPL), le centre de la NASA responsable de la mission InSight en Californie, pour analyser et interpréter les données fournies par le cadran solaire de SEIS.

La première étape a consisté à charger dans un logiciel spécialisé les images de la mire, pour les corriger des effets de la parallaxe, et déterminer avec finesse la direction de l'ombre du gnomon. A ce stade, plusieurs informations ont été nécessaires à Denis Savoie pour la détermination du nord: les coordonnées précises, en latitude et longitude, du sismomètre sur Mars, ainsi que la date et l'heure exacte des prises de vue (enregistrées par une horloge très précise située à bord de la sonde InSight).

Rentrées dans un logiciel de calcul sophistiqué, ces données vont permettre d'obtenir un paramètre crucial, l'azimut, c'est à dire l'angle entre la direction de l'ombre produite par le gnomon et le nord géographique. Un simple report sur la mire du cadran solaire, où la direction de l'ombre figure déjà, permettra de localiser le nord avec une précision comprise entre 1 et 2°. Une seconde vérification, totalement indépendante de la première, est effectuée simultanément à Paris par Marc Goutaudier et Andy Richard (Universcience/Palais de la découverte), qui utilisent cette fois-ci un logiciel de lancer de rayons. Celui-ci permet de reproduire visuellement, et de manière très fidèle, la mire de SEIS et l'ombre du gnomon en fonction de nombreux paramètres, et d'effectuer une comparaison directe avec les images de la caméra IDC d'InSight.

Sous le Soleil de Mars, les découvertes millénaires effectuées par l'Homme dans sa tentative d'expliciter notre Univers se combinent désormais avec des technologies auxquelles aucun des immenses savants de l'Antiquité n'auraient pu réellement rêver. Là bas, à des centaines de millions de kilomètres de notre monde, par l'intermédiaire d'émissaires robotiques qui sont le fruit d'une créativité et d'un désir d'exploration enracinés au plus profond de la nature humaine, nous continuons d'interroger directement les étoiles pour trouver notre chemin et savoir d'où nous venons.

Dernière mise à jour : 1er janvier 2019

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